[SèrSé le bylɡar] (loc. verb. SOFI.)
Selon les corporations, on enverra le bizut chercher la clef des douches (armée française), le Dahu (en montagne uniquement vu qu’il a les pattes plus courtes d’un côté que de l’autre), du lubrifiant pour plaquettes de frein (chez les mécaniciens), un seau de vapeur (industrie textile), un pot de peinture rayée (pour peintres en bâtiment) et mille et une autres choses se jouant de la vigilance épistémique comme on dit quand on est grand sachant.
Autant de stratégies qui permettent avant tout de gagner un peu de temps sans l’arpette importun.
Chercher le Bulgare, même s’il n’envoie pas directement à Sofia, ville exotique lointaine là-bas derrière le rideau de fer, est du même acabit dans son rapport au temps gagné qu’il est en mesure d’apporter.
Explications : chercher le Bulgare s’emploie en réponse aux questions incessantes du marmot impatient qui voudra tout savoir dans l’instant, ou en conclusion d’une devinette ardue qui a surtout pour but de calmer des ardeurs.
Exemple : « Qu’est ce qui est vert et se balance de liane en liane¹ ?
— Je ne sais pas.
— Cherche le Bulgare. »
En ces temps surannés où la litote règne en maîtresse exigeante sur le langage parlé, chercher le Bulgare est synonyme de deviner et de remue-méninges, de recherche fouillée, d’attention appuyée.
C’est la réclame d’un marchand (nul ne saurait dire de quoi exactement) et la volonté de capter l’attention du chaland qui donna naissance à l’expression à une époque où un simple prospectus pouvait suffire à convaincre d’aller acheter à la Belle Jardinière, au Bon Marché ou à la Samaritaine (où pour rappel, il se passe toujours quelque chose). Le malin et vil commerçant eut l’idée de cacher, imprimé dans un coin, un Bulgare costumé dont la découverte rapportait certainement un avantage conséquent : buvard publicitaire offert, porte-clef de prestige, sucre d’orge coloré, etc.
Rapidement, chercher le Bulgare devint une injonction à user de sa sagacité pour deviner et en tirer un avantage. Mais tout à une fin.
Chercher le Bulgare disparaît brusquement le 17 novembre 1993.
Au Parc des Princes.
Quatre-vingt dixième minute. Coup franc à droite, dans le camp adverse, que Vincent Guérin joue avec David Ginola. Dans une minute la France, qui est à égalité 1-1 avec la Bulgarie, est qualifiée pour le mondial américain. Ginola centre. Personne. Deschamps ne presse pas à la relance. Pedros et Le Guen se promènent sur l’herbe bien verte du Parc. Penev lance Kostadinov sur l’aile droite. Alain Roche aux pâquerettes. Laurent Blanc une pointure trop court. But. Il restait dix secondes…
On a trouvé le Bulgare : il s’appelle Emil Kostadinov. Depuis le temps qu’on le cherchait.
La France ne verra pas le Rose Bowl de Los Angeles, le Giants Stadium de New York ou le Citrus Bowl d’Orlando. La géographie n’est pas totalement perdante puisqu’on découvre la Bulgarie. Plus besoin de chercher le Bulgare.