[SèrSé la petit bèt] (loc. point. PÉNIB.)
Atavisme hérité de ces temps immémoriaux où la puce chatouillait la couenne poilue de nos ancêtres sapiens, le grattage frénétique s’est un jour transformé en une expression pointant l’ergoterie comme une manie lassante.
Chercher la petite bête n’a en effet rien à voir avec la quête de la mère Michel qui a perdu son chat ou le regard scrutateur du spectateur devant un spectacle de puces savantes.
Celui qui cherche la petite bête fait dans le détail, dans l’infinitésimal, dans la broutille. Et plus encore, il s’y complait.
Il est un sous-chef de service cherchant à assurer de son indispensabilité en pinaillant sur un détail dans lequel le diable lui-même n’oserait se cacher, il est un chicaneur chinoisant pour le plaisir de faire et défaire (« c’est toujours travailler » comme il dit), il est un ratiocinateur navrant. Cherchant la petite bête sans jamais la débusquer (puisqu’elle n’existe nulle part ailleurs que dans sa tête mal faite), cet éternel prospecteur se trouverait fort marri si davantage il devait aboutir. Il importe de chercher l’animal, nullement de le trouver.
Le premier usage littéraire de l’expression est repéré en 1874 dans Le bonheur dans le crime, troisième recueil des Diaboliques, série de six nouvelles de Jules Barbey d’Aurevilly qui mettent en scène amours, adultères, meurtres et vengeances à gogo. Le succès des ouvrages accompagnera celui de la formule.
Et croyez que je l’ai bien étudié, bien scruté, bien perscruté ! Croyez que j’ai bien cherché la petite bête dans ce bonheur-là ! Je vous demande pardon de l’expression, mais je puis dire que je l’ai pouillé…
— Le bonheur dans le crime
La Conférence diplomatique du mètre qui se réunit à Paris et aboutit le 20 mai 1875 à la création du Bureau international des poids et mesures, échoue dans ses tentatives de normalisation des tailles de bêtes à rechercher pour s’avérer pénible. Seul le mètre est défini et un consensus se dégage sur le fait que la petite bête est d’une taille inférieure à cette unité désormais normalisée¹.
Le début du XXe siècle sera donc une période bénie pour l’épanouissement des bestioles, profitant à chercher la petite bête mais aboutissant aussi à la création d’expressions cousines mettant en scène poux dans la tête, morbaques et morpions sautant parfois du coq à l’âne, mouches abusées et autres représentants du règne animal dans sa plus petite échelle.
Un foisonnement pour décrire le fâcheux qui s’avèrera fatal, une telle faune ne pouvant vivre en paix. Chercher la petite bête est désormais expression disparue.