[Sjé dâ le vâtilo] (loc. scat. HUM.)
Le caca pose son expression. C’est une règle et c’est ainsi.En matière linguistique surannée, la scatologie est souvent une garantie de succès même si la brave morale va feindre de ne pas y toucher.
Contrairement à son apparence première, chier dans le ventilo n’est pas un expression réservée à la plèbe. Il se dit que ça va chier dans le ventilo sous les ors de la République tout comme dans les plus glauques tripots, quand la patience d’un maître de céans a atteint ses limites. Ainsi un ministre ou un président peuvent s’engager à chier dans le ventilo avec la même ardeur qu’un truand contrarié.
Quand ça chie dans le ventilo il y en a partout
Cette annonce, généralement faite à voix tonitruante, d’une projection de la production du séant du maître susnommé au travers des pales d’un ventilateur laisse augurer des dégâts à venir. Nul besoin d’une imagination débordante pour envisager le résultat d’une défécation plus ou moins diarrhéique une fois soumise au jeu des pressions et dépressions de l’air brassé. Quand ça chie dans le ventilo il y en a partout.
Étonnamment, cette souillure est censée apurer une situation gênante; salir pour nettoyer en quelque sorte, une petite gourmandise du langage suranné qui n’aime rien tant que faire tourner son public en bourrique.
Chier dans le ventilo apparaîtra après 1734, soit la date de mise en service des premiers ventilateurs mécaniques dans une prison de Londres, puisque ces derniers sont évidemment nécessaires pour que l’expression prenne corps. Notons qu’elle n’existait pas alors que d’autres moyens de renouvellement de l’air ambiant tels que l’éventail ou le chasse-mouche étaient en service auparavant.
Schuyler Wheeler utilisera la fée Électricité en 1886 pour mettre au point le premier ventilateur fonctionnant sur courant continu, donnant dès lors à chier dans le ventilo une formidable opportunité de diffusion. Dès le début du XXᵉ siècle la locution est de toutes les colères, trouvant même dans la première de ses deux guerres l’occasion de se distinguer un peu plus. Ainsi dira-t-on qu’au Chemin des Dames, à Verdun, et un peu partout sur la ligne Maginot ça a chié dans le ventilo.
Chier dans le ventilo va connaître une désaffection de la part du public à partir de 1961, quand l’artiste italien Piero Manzoni produit quatre vingt-dix boites de conserve en métal contenant ses propres excréments, intitulées Merda d’artista. Il fixe lui-même le prix de ses trente grammes d’étron à l’équivalent de trente grammes d’or au cours du jour, condamnant l’expression à la désuétude faute de moyens financiers. Elle retrouve pisse-trois-gouttes dans la fosse septique des expressions pipi-caca surannées.
Chier dans le ventilo deviendra totalement inaccessible en 2015 lorsqu’une des boites sera vendue plus de deux cents mille Euros chez Christie’s, interdisant ce faisant totalement son usage. Mais ceci est une histoire de gros sous, une autre histoire donc.
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