[sjèl mô mari] (loc. exclam. AMAN.)
C‘est le théâtre de boulevard, avec toute la puissance du rire qu’il déclenche, qui a promu l’expression au firmament des exclamations à pousser en cas d’irruption d’un époux dans une pièce du logis où sa femme se voit présenter les hommages d’un bellâtre godelureau : ciel mon mari !
Les auteurs des pièces dans lesquelles claquent les portes, se pâment les épouses infidèles et glosent les cocus s’avérant sans imagination particulière, il est évident que ciel mon mari fut entendue plus d’une fois avant de finir sous leur plume.
Même si appeler à l’aide les cieux et ceux qui y règnent en cas de coïtus interruptus peut sembler inapproprié (leurs compétences en la matière étant réputée faiblarde), il ne venait a priori rien d’autre à l’idée de la belle attrapée par les affres du mariage. En ces temps surannés Saints en tous genres, anges et démons sont en effet des conseillers de choix largement promus par les autorités de la foi qui assoient ainsi leur influence (mais ceci est une autre histoire).
Ciel mon mari est donc d’une logique implacable lors de la survenance dudit bonhomme en des lieux où il n’est pas censé être à l’heure où il y surgit (en ces temps là l’homme travaille dans la journée puis rend visite au Président du Sénat avant de regagner son chez-soi).
Le cornard s’avérant par ailleurs sujet récurrent des dialogues de commères et des quolibets de moqueurs, ciel mon mari prendra cette tonalité grivoise et bourgeoise qui sied au langage du quotidien qui adore la litote. Autant dire qu’elle sera un succès pendant des dizaines d’années.
Dans le mariage, celui qui est le plus trahit des deux est l’amant
Certaines situations se règleront au pré clair choix des armes à l’offensé, d’autres verront le galant reconduit, parfois ce sera le couvent, mais rarement Cupidon supprimera l’actéonisé de sa flèche, liens sacrés, bonne morale et articles 266 et 1382 du Code civil obligeant.
Notons que ciel mon mari obligera plus d’un greluchon à se cacher dans le placard et parfois à y passer la nuit.
Le cinématographe remplaçant peu à peu le théâtre produira lui aussi du ciel mon mari à gogo, terminant d’user la formule jusqu’à la corde. « Dans le mariage, celui qui est le plus trahi des deux est l’amant » conclura Paul Gauguin, galant des antipodes qui s’attirera les foudres de plus d’un îlien.
L‘irruption dans le triangle amoureux d’une presse moderne spécialisée dans la dénonciation des fauteurs à l’aide de photographies floues et fielleuses aura raison de ciel mon mari.
Devenu d’une banalité confondante, s’affichant à la une, l’amant ne fera plus s’exclamer quand son rival rentrera plus tôt que prévu de son deuxième bureau.
Il s’en ira, penaud, avec l’exclamation.