[kòkòblëil] (exp. doub. BEAUT.)
Le suranné sait se montrer ambigu quand ça l’arrange. Ce qui signifie que pour une fois j’aurai non pas une mais deux définitions à vous soumettre pour ce mot suranné. Et mieux encore, deux définitions contraires ! Charge vous est donnée de vous débrouiller avec cela, à chacun son boulot. Voici donc le mien.
Coco-bel-œil est double (cela dit c’est plus pratique pour un œil de posséder un jumeau à proximité immédiate) et singulier. Ça débute donc étrangement. Coco-beaux-yeux ne se dit pas car finalement Coco-bel-œil n’a pas beaucoup à voir avec le regard de celui qui en est affublé. Vous suivez ?
Dans le tableau désuet des qualificatifs de la beauté masculine, Coco-bel-œil est à la fois au pied et au faîte de l’échelle. C’est là sa grande contradiction.
Coco-bel-œil n’est qu’arguties avec son évocation conjointe de la beauté et de la laideur. C’est en cela qu’il ma perdu pendant de longues années lorsque je l’entendais à propos de tel sbire ou de telle autre star : c’est un Coco-bel-œil disait-on de lui mais impossible pour moi de savoir s’il était beau comme Apollon ou repoussant comme Quasimodo. Le vieux mot vaut dans les deux cas !
Je construisis ma culture de l’harmonie des traits et attitudes sur ce terrain mouvant hanté par ce Coco-bel-œil. Autant dire que ce fut un fiasco.
Aujourd’hui encore me voici incapable de vous dire pourquoi Alain Delon est beau (selon les anciennes de l’école), ou pourquoi il est moche (selon les nouvelles de l’école). Je m’en tire cependant haut la main en cas de conversation sur le sujet en déclarant doctement que c’est un sacré Coco-bel-œil.
À défaut de savoir juger la plastique j’ai appris à employer le mot, c’est déjà ça. Mais ne minimisez pas ce désavantage que me crée l’inaptitude en joliesse. En modernité mieux vaut connaître les critères de formes sous peine de passer pour un affreux qu’il faudra bien alors tuer comme nous l’avait prophétisé ce bon Vernon¹.
Serge Gainsbourg aurait certainement pu m’éclairer sur la définition. Lui qui se disait à tête de chou (y a-t-il plus affreux qu’un chou ?) a séduit quelques unes des plus belles femmes de la planète grâce à la confusion joueuse de ses yeux, de ses oreilles, de son nez et ses cheveux qui en faisait un digne Coco-bel-œil.
Et comme tout ce qu’il faisait ne se transmettait mieux qu’en chanson, nous terminerons sur ces vers :
🎼🎶Quand on me dit que je suis moche
Je me marre doucement, pour pas te réveiller
Tu es ma petite Marilyn, moi je suis ton Miller
Hein, non pas Arthur, plutôt Henry spécialiste de
hardcore🎶🎶La beauté cachée
Des laids des laids
Se voit sans
Délai délai 🎶🎶
Serge Gainsbourg, Des laids des laids.