[kòriZé le maNifika] (loc. verb. CANTIQ.)
Le mieux est l’ennemi du bien, dit la sagesse proverbiale. Quand on n’a rien à dire il vaut mieux fermer sa gueule surenchérit la populaire. Quant à la langue surannée, plus précieuse, elle va chercher dans la liturgie de quoi écraser la fraise de celui qui la ramène un peu trop.
Corriger le Magnificat pointe les critiques inutiles, les corrections demandées là où il n’y avait pas vraiment lieu d’en apporter, l’abus sexuel sur diptères¹, le découpage capillaire outrancier². Celui qui veut corriger le Magnificat ferait mieux de fermer sa gueule comme proposé princeps et puis c’est tout.
Non que le langage se soit fait bigot et trouve dans Magnificat anima mea Dominum, et exsultavit spiritus meus in Deo salvatore meo, dit aussi cantique de la Vierge, l’expression la plus parfaite de la pensée humaine, mais plus certainement sait-il se contenter de ce qui est sans vouloir à tout prix l’améliorer.
Corriger le Magnificat ne s’applique pas uniquement à la chose déiste. D’aucuns voudront corriger le Magnificat en art, proposant de retoucher le sourire impossible de Mona Lisa, d’autres le feront en sport, ordonnant depuis leur canapé à l’arrière gauche de plus ceci et surtout moins cela, et les plus dangereux agiront avec PowerPoint™, incluant un effet tournoyant et un bruitage motorisé à la présentation rébarbatives mais juste du service juridique.
Autant de contributions inutiles. Autant d’actes qui démontrent que le mieux est l’ennemi du bien. Autant de gueules qui auraient gagné à demeurer fermées.
Bien entendu, corriger le Magnificat avait une carrière toute tracée dans l’usage quotidien tant les inspecteurs de la chose finie-qu’il-fallait-réaliser-différemment-ah-si-on-leur-avait-demandé-leur-avis-on-n’en-serait-pas-là-mais-c’est-évident-qu’il-ne-fallait-pas-faire-comme-ça sont nombreux. Mais l’expression allait cependant disparaître.
Corriger le Magnificat devint suranné au printemps 2012 lorsqu’une mamie d’Aragon entreprit de corriger le Magnificat (on n’osera écrire « au sens propre »), en l’occurrence de restaurer un assez quelconque Ecce Homo jusqu’alors paisiblement peint sur l’un des poteaux de la nef du santuario de la Misericordia, sis dans la petite ville de Borja.
La créative octogénaire qui ne maîtrisait pas mieux les pinceaux que le responsable de la photocopieuse ne contrôle PowerPoint™, se mit en tête d’apporter sa touche personnelle à un portrait du Christ datant du siècle précédant, laissant regretter les souillures du temps.
L’hilarité planétaire déclenchée par cette correction obligea la maladroite Cecilia Gimenez et corriger le Magnificat à se retirer très loin des moqueries des hommes.
Avec le temps, la grand-mère a regagné son logis, mais l’expression n’est à ce jour pas ressortie de sa tanière. Elle a trop peur de faire des émules.
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