[kòto de bèrsi] (appel. contrôl. VIN.)
Ah ! Le petit vin blanc, qu’on boit sous les tonnelles, quand les filles sont belles, du côté de Nogent. Quel suranné n’a jamais entonné ce doux refrain, grisé qu’il était par quelques jolis verres de vin ?
Chanson du patrimoine viticole français, elle débuta sa carrière sous de sombres nuages (en 1943) mais connu son heure de gloire dans les guinguettes de Nogent-sur-Marne à partir des années 50 (celles du XXᵉ siècle évidemment).
Le jaja référent n’a pas de provenance établie, aveu en un pays d’appellations jalousement contrôlées, d’une origine qui n’est pas des plus nobles ou, comme on dit alors, des Coteaux de Bercy. Topographiquement parlant, les coteaux de Bercy forment une chaîne de collines avec ceux de Charonne, de Ménilmontant, de Belleville, de La Villette et de la montagne de Montmartre, encerclant le nord et l’est de la capitale. Les terrains y sont de gypse marneux, de marne calcaire et d’argile, plus propices à la fabrication du plâtre qu’à celle d’un bon picrate.
À Bercy, qui n’est pas à l’époque le quartier où l’on plume l’oie sans la faire crier et qui fait partie de Paris depuis 1859, on accueille depuis longtemps les tonneaux chargés de bons vins de Bourgogne qui arrivent par bateaux. Autant dire que côté dégustation à l’aveugle on s’y connaît sur ces terres qui furent celles de Charles-Henri de Malon de Bercy, marquis de Nointel, intendant des finances (déjà…). On s’y connaît et peut-être prend-on quelques libertés avec des coupages hasardeux et des mélanges qui tachent pour en arriver à créer expression. Car les Coteaux de Bercy, appellation d’origine, c’est bien le chasse-cousin qui râpe, la vilaine piquette, et surtout un comble d’ironie.
Depuis le XVIIᵉ siècle en effet, coteau suppose une parcelle qui donnera du bon vin¹, meilleure qu’un arpent situé dans la plaine qui produira vin des Rochers, Préfontaine, Kiravi et autre Gévéor dont l’ingestion ne peut se faire sans risque. Alors dénommer Coteaux de Bercy c’est se moquer avec toute la subtilité du suranné.
Les années 80 chassèrent les négociants du 47ᵉ quartier administratif de Paris pour les remplacer par un bâtiment rectangulaire à l’esthétique contestable, mais ceci est une autre histoire.
L’arrivée des grands argentiers dans le quartier fit disparaître conjointement le petit vin blanc qu’on boit sous les tonnelles et les filles belles (à quelques exceptions près), preuve s’il en fallait qu’entre boire un verre avec de jolies donzelles ou conduire les affaires de l’État, il faut choisir.
(J’ai donc choisi).