[la kupyr délèktrisité] (gr. nom. CGT)
Pas question ici du 19 décembre 1978, quand à huit heures vingt six la France se trouva paralysée par une gigantesque panne de courant accidentelle qui immobilisa la totalité du pays¹, contraignant les usines à l’arrêt, bloquant les ascenseurs entre deux étages, coupant la lumière des maisons et bureaux, et faisant dégeler le freezer du réfrigérateur familial, entraînant ainsi la perte de mes Danino.
Une catastrophe.
Cette interruption fortuite du service de fourniture d’électricité n’a rien à voir avec la désormais surannée coupure d’électricité qui doit quant à elle toute sa réputation aux fermes positions de la Fédération des services publics, hospitaliers, éclairage et force motrice, Confédération générale du travail unitaire, puis à la fameuse FNE-CGT du non moins fameux Marcel Paul, son influent président d’honneur de 1966 à 1982.
En ces temps où la France consomme trois fois moins de mégawatts qu’aujourd’hui, Marcel Paul est un peu le maître de la fée électricité, capable de créer une redoutée coupure d’électricité d’un simple claquement de doigts. Et il ne va pas se gêner, Marcel.
La vie avec la coupure d’électricité suppose une réserve de bougies et une boite d’allumettes qui contribueront à donner une tonalité clair-obscur digne de Georges de La Tour² au repas familial, que l’on trouve somme toute peu charmante puisque l’éclairage à la mode est alors au tube fluorescent³. Mais en cas de coupure d’électricité, point d’injection d’électrons dans un filament de tungstène doublement bobiné et enduit d’un revêtement d’oxydes de baryum-strontium-calcium : c’est à la cire enflammée qu’il faut confier la lumière.
Pour connaître la date de la prochaine coupure d’électricité, il existe bien entendu des trucs.
L’annonce par les représentants des salariés producteurs d’électricité de toute revendication officielle sur les conditions d’exercice de leur métier, leur rémunération, la qualité des frites à la cantine, déclenche généralement dans les quarante huit heures une première petite coupure d’électricité. La présence au journal télévisé de l’un desdits représentants augure d’une deuxième et plus longue coupure d’électricité. L’ultime degré est atteint lors de l’organisation de la grande manifestation inter-syndicale : si elle se met en place, là c’est la méga coupure pour les mégawatts. Et l’assurance de plusieurs dîners à la chandelle.
Le 12 avril 2013, le Conseil d’État reconnaît « la compétence d’EDF, en tant que responsable d’un service public de l’électricité, pour limiter le droit de grève dans ses centrales nucléaires ». C’est la fin officielle de la coupure d’électricité qui devient de fait surannée.
Et le dîner à la chandelle, lui, se pare de romantisme…