[kute bɔ̃bɔ̃] (loc. verb. CONFIS.)
C‘est l’une des plus vieilles expressions surannées.
Pour aider le lecteur à la situer dans les temps improbables où elle est née, signalons qu’elle est liée à l’économie de troc, quand un marcassin valait une fourrure de zibeline, quand une gravure sur la roche s’échangeait contre de la racine de manioc (si l’auroch était bien dessiné).
Coûter bonbon provient de ces temps immémoriaux, quand le moindre roitelet ne faisait pas encore battre monnaie avec son meilleur profil, quand les taux d’intérêt étaient précisément sans intérêt puisqu’inexistants, quand rien ne coûtait un pognon de dingue et que personne ne s’en plaignait.
Coûter bonbon signifiait alors que l’échange du bien ou du service rendu devait se faire contre un ou deux bonbons – de miel très certainement – cette douceur sucrée affolant déjà les palais¹. Quand ça coûtait bonbon c’était que le truc valait le détour et qu’on pouvait se fendre du don du bonbon en question.
Ainsi, de fricassée de marcassin aux airelles – un délice – en décoration complète de la grotte familiale avec des peintures rupestres (garantie 15 000 ans), coûter bonbon se mit à exprimer la valeur maximale des productions appréciables de ce monde.
Calissons d’Aix, bergamotes de Nancy, bêtises de Cambrai, nougat de Montélimar, caramels d’Isigny, anis de Flavigny, réglisse d’Uzès virent apporter leur patte régionale en faisant un art de coûter bonbon, diffusant au passage l’expression aux quatre coins de l’hexagone comme le veut la formule maladroite (mais ceci est une autre histoire).
Alors qu’avait eu lieu l’introduction malencontreuse de la tarification normalisée, dite aussi monnaie, flouze, grisbi, pépète, rien ne sembla détourner coûter bonbon de son sens sucré, coûter les yeux de la tête et coûter la peau du cul (VULG.) faisant tranquillement le boulot pour permettre à ceux que la dépense irrite de se lamenter.
Mais lorsque la notion moderne de rentabilité² qui avait déjà gangrené la charité (surtout la mal ordonnée, tournée vers l’autre) s’appliqua aux plaisirs du quotidien, coûter bonbon tomba en désuétude.
Après calcul, il s’avéra que les vingt centimes d’un rouleau de réglisse n’étaient pas vraiment profitables, que la dépense de dix centimes d’un Carambar entraîneraient la banqueroute s’ils venaient à se multiplier et que le partage de Veinards avec les copains n’était pas rémunérateur. Coûter bonbon, incapable de résister, subit une distorsion du sens (à la manière d’une torsade de guimauve mais sans le goût) et l’expression fut évincée du langage.
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