[krêdre vely] (loc. verb. AUTOR.)
La déception, voire le mécontentement, face à une médiocrité quelconque a très vite nécessité la production d’une expression autre que le fameux « graoumpf » néandertalien qui officiait depuis des millénaires quand le langage a pris ses aises dans les relations entre les hommes.
Jusqu’alors le borborygme suffisait à l’homme des cavernes pour dire sa contrariété d’un mammouth mal dessiné sur la paroi du domicile tribal, d’un auroch à l’expression ratée, le bougre devinant par avance qu’il n’allait pas passer à la postérité avec un gribouillage infâme. Mais avec l’avénement de la langue, il lui fallait plus qu’un expressif grognement.
Craindre velu est apparue spontanément, comme une évidence pour exprimer cette insatisfaction.
À une époque où la conjugaison n’apportait pas encore ses subtilités subjonctivo-conditionnalo-plus-que-parfaites (les verbes étaient utilisés uniquement à l’infinitif¹) et où les êtres humains avaient tous le persil qui sortait du cabas, celui-ci allant même jusqu’à les recouvrir de la tête aux pieds, craindre velu exprimait alors la peur de la colère du chef (généralement le plus balèze armé d’une grosse massue, et le plus velu) qui risquait de s’abattre sur le piètre réalisateur de la médiocrité susnommée. En substance : « Moi avoir peint mal, moi craindre velu« .
L’évolution d’un Homo sapiens perdant son poil hégémonique – et devenant ainsi nettement moins craint – fit s’effacer ce sens premier de craindre velu qui se contenta dès lors de signaler une situation incommode pouvant engendrer des réprimandes d’une autorité.
Craindre velu devint totalement suranné le 15 juin 1974 lorsque le ministre de l’intérieur signa l’arrêté du Règlement intérieur d’emploi des Gradés et Gardiens de la Police Nationale avec son fameux article 11 sur les soins de la personne stipulant que « le port de la barbe est interdit, sauf autorisation spéciale du directeur compétent ».
Avec sa peau de bébé et sa gomme à effacer le sourire, le représentant de la loi ne pouvait plus incarner l’admonestation officielle de la chose bâclée. Il n’y avait désormais pas de quoi fouetter un chat à craindre velu.
Dans une époque moderne qui s’annonçait glabre et laxiste, craindre velu n’avait plus rien à faire. Désorientée par un tel désaveu, elle préféra prendre sa retraite en surannéité.