[nø pa ɛtʁ kʁɛjɔ̃ mjø taj dø la tʁus] (SCOL. CON.)
L‘écolier studieux des temps où la cursive est maîtresse de la pensée couchée sur lignage Seyes sait qu’il doit posséder des crayons bien taillés. C’est ainsi.
En sus de sa plume Sergent Major il aura en effet à diagonaliser droit, à poser de la règle de trois et à ajouter de la désinence au radical avec ses mines colorées ou grises selon une consigne précise. Et sans graphite pointu ça risque de branler dans le manche. Alors l’élève écrête. Chaque soir il arase, il élague, il épure du 2H, du HB, du 3B.
En fallait-il beaucoup plus pour que son antithèse, le penseur embrouillé, soit désigné comme n’étant pas le crayon le mieux taillé de la trousse ? Pour que celui qui peine à raisonner sans hoquets passe pour un Conté arasé ? Que nenni répond la vox populi qui illico gratifie le cruchon d’un « toi tu n’es pas le crayon le mieux taillé de la trousse ».
Ecole obligatoire et usage immodéré du taille-crayon à manivelle aidant, voilà qu’en deux temps trois mouvements le moins doué de la communale devient le crayon qui n’est pas le mieux taillé de la trousse. Puisque seul un crayon pointu peut blesser, cela ne le fâche guère. Le dadais n’y lit aucun affront. Et comme il sème à tous vents, l’expression s’en va le désigner durant toute sa scolarité.
L’irruption soudaine de l’outil scripteur, celui-là même qui grâce au geste graphomoteur permet de maîtriser progressivement le tracé normé des lettres, aura raison du crayon. Inutile dès lors qu’il soit très affûté : il n’aura que des billevesées à rédiger. Et puis bientôt viendra le clavier lui aussi remplacé par l’artifice d’une intelligence transcriptrice pas toujours éclairée.
Ne pas être le crayon le mieux taillé de la trousse s’étiolera justement au fin fond de la trousse. Il y croisera le compas, le double décimètre, la gomme dont le bout bleu demeure une éternelle énigme, mais ceci est une autre histoire.