[day] (n. com. FANTAS.)
Dans la longue liste des animaux plus ou moins surannés, du tyrannosaure – dont nous devrions chaque jour remercier la météorite extinctrice car il est à peu près certain qu’il aurait fait de nos pauvres carcasses un amuse-bouche s’ils les avaient croisées – au dodo qui est désormais une bière qui se boit à l’ombre de la case puisqu’on a mangé le dernier, il en est un qui figure depuis peu.
Non pas le yéti dont on sait désormais qu’il n’est que le résultat du cocktail imagination-altitude-fatigue-substances illicites, non pas big foot qui lui s’aperçoit facilement après quelques Budweiser et Chamallows grillés, non pas Nessie qui assure aux Highlands d’autres visiteurs que les moutons et s’est donc avérée n’être qu’une farce commerciale, mais une sorte de chamois aux pattes plus courtes d’un côté que de l’autre : le dahu.
Griffons, sirènes, centaures, licornes, lézards solaires répertoriés dans le Physiologus ne sont rien à côté du dahu. S’il ne figure d’ailleurs pas dans le bestiaire référent des animaux et de leur moralité, c’est que le dahu est bien d’une espèce différente de ces bestioles là : le dahu sait se protéger et se cacher de l’homme qui aimerait tant en faire un trophée de cabinet de curiosités.
Le dahu vit en montagne. C’est-à-dire dans une zone du pays peu fréquentée (en dehors des vacances de février au cours desquelles le Parisien aime s’y rendre pour boire des verres de piquette bouillie parfumée à la cannelle, mais ceci est une autre histoire), ce qui lui assure un relatif anonymat. Par ailleurs le crétin des Alpes n’est pas belliqueux pour un sou.
Car c’est le citadin et lui seul qui chasse le dahu. Ou plus précisément c’est au citadin tout juste débarqué de son véhicule aux roues enchaînées que l’on fait chasser le dahu.
Le naïf posté pendant des heures dans la montagne avec son sac spécialement étudié pour la chasse au dahu se perdra, tandis que les autochtones taquins censés lui servir de rabatteurs s’empiffreront de fromage fondu et s’humecteront le gosier de breuvages frelatés qui permettent de survivre aux grands froids. Il reviendra bredouille, évidemment, mais content d’avoir quelques instants retrouvé l’ambiance bite au cirage du 3ᵉ régiment de parachutistes d’infanterie de marine où il avait servi la nation, du temps de la conscription obligatoire.
Ce plaisir fugace de la vénerie montagnarde est désormais suranné, remplacé dans l’imaginaire collectif par une cupide marmotte publicitaire mettant du chocolat dans du papier aluminium dont le but mercantile semble échapper au moderne tout comme le dahu échappait à son père…
Qu’importe, le dahu a rejoint sirènes, centaures et griffons dans les rêves fantastiques où il gambade tranquillement avec ses deux pattes plus courtes d’un côté. Il est heureux.