[dékòlé la kaftjèr] (loc. capit. CAFÉ.)
« Encore un instant je vous prie, Monsieur le bourreau » laissera en explicit une comtesse du Barry pas tout à fait prête à perdre la tête à cette époque où l’abbaye de Monte-à-Regret décolle la cafetière pour un oui pour un non.
L’engouement révolutionnaire français n’est pas pour autant le créateur de l’expression décoller la cafetière puisqu’il faut attendre une centaine d’années pour que ladite cafetière se fasse synonyme de tête, acquérant cette portée grâce à sa facilité à bouillir.
Le délai est étonnant car il semble qu’aux temps troublés de la Terreur, Saint-Just, Robespierre et consorts étaient déjà passablement exaltés (peut-être par l’abus de café qui se prenait dans les lieux à la mode¹). Sans doute la langue aura-t-elle tourné sept fois dans sa bouche avant de se décider, plus d’un beau parleur en tribune s’étant retrouvé dans l’embarras pour cause de blabla trop hâtif.
Tout condamné à mort aura la tête tranchée
C’est paradoxalement dès lors qu’elle sera posée en son sens capital que la cafetière pourra se faire décoller le plus réglementairement qui soit quand sera prononcée une peine – capitale elle aussi – en application de l’article 12 du Code pénal français de 1810 voulu par Napoléon Bonaparte.
« Tout condamné à mort aura la tête tranchée » sera la formule retenue, aux dépens de « Tout condamné à mort aura la cafetière décollée », l’empereur ayant cependant longuement hésité avant de se laisser influencer par le peu porté sur l’argomuche Jean-Baptiste Treilhard, ce bourreau de travail réputé pour son côté boulot-boulot² et pas vraiment faubourgs dans ses fréquentations.
Étonnamment ce libellé formel et aride inspirera les plus grands représentants de la langue surannée, tel Fernandel en Schpountz³ déclamant sa prose sentencieuse.
Le 17 septembre 1981, à la tribune de l’Assemblée Nationale, Robert Badinter fait vibrer des mots choisis et déploie tout son talent pour envoyer décoller la cafetière en surannéité. Suivi par 363 voix (contre 117), le fiâsse emporte le bout de gras et condamne l’expression à ne plus jamais être utilisée.
Détartrer la Nespresso®, formule moderne la plus proche de l’originale qui débarquera quelques années plus tard, ne connaîtra pas le succès et se verra cantonnée à sa fonction utilitaire telle que décrite en page 37 de son mode d’emploi en douze langues.
On ne devient pas expression surannée aussi facilement.