[déflërir la pikuz] (loc. verb. BONNET.)
Petits coquins de citadins ! Le saviez-vous qu’en dérobant ces draps blancs qui séchaient dans les champs, en cet été si chaud dont vous passiez une partie à la campagne, le saviez-vous, donc, que vous veniez de défleurir la picouse ?
Eh oui camarade poulbot bien peu respectueux des us de nos campagnes, défleurir la picouse n’est pas cueillir une marguerite et psalmodier elle m’aime, un peu, beaucoup, à la folie, pas du tout, elle m’aime, un peu, beaucoup… en rêvassant à cette jolie blondinette du village. Défleurir la picouse c’est plutôt ôter aux haies piquantes¹ qui bordent la prairie leurs grands voiles éphémères qui prennent le soleil et même parfois la lune, lorsqu’elle est pleine, pour un peu plus d’éclat.
Mais vous aviez besoin d’un hamac, d’un tipi, d’une voile pour votre fier radeau…
Bien entendu vous ne pouviez savoir, vous qui n’aviez jamais vu le linge pendant ailleurs que sur un étendoir fixé sur une fenêtre. Ces linges immaculés devaient être abandonnés. Et les initiales brodées qu’ils arboraient la preuve qu’ils avaient dû appartenir à un pirate disparu depuis longtemps. Et puis, qui étendrait du tissu sur des fleurs, des buissons épineux ? Qui prendrait le risque de capturer une araignée velue dans une parure de lit dans laquelle il couchera, pas plus tard que ce soir ?
La fessée qui s’en suivit vous apprit pour la vie qu’il ne faut pas défleurir la picouse, l’énoncé d’une expression nouvelle se mémorisant d’autant mieux qu’il était accompagné d’un séant douloureux (principe éducatif heureusement devenu désuet). Aux mœurs lavandières étranges s’adjoignait désormais un langage baroque qu’il fallait donc apprendre pour arriver à lui parler enfin, à cette fille à couettes pour laquelle vous alliez continuer à effeuiller les marguerites.
En vain.
Elle m’aime, un peu, beaucoup, à la folie, pas du tout. La marguerite est formelle; il faut dire que c’était la fille du pirate, qui finalement n’en n’était pas vraiment un. Mais quelle idée de broder ses initiales sur ses draps puis de les abandonner dans la prairie !
🎶Parigot, tête de veau, Parisien tête de chien🎶