[demɛʁdɑ̃ziziʃ] (loc. invent. REFU.)
Une tradition très ancrée dans les années surannées (XIXᵉ et XXᵉ siècles) voulait que la langue française traditionnelle se teinte tous les vingt ou trente ans de sonorités gutturales qu’on entendait mugir dans nos campagnes, portées à haute voix par de féroces soldats venant jusque dans nos bras égorger nos fils, nos compagnes.
C’est vraisemblablement en rétorsion à ces exactions que fut parodiée démerdenzizich, sorte de réponse nonchalante adressée à une demande d’aide venue d’un quelconque à qui il coûte déjà beaucoup de répondre.
Démerdenzizich (ou démerden sie sich pour les puristes) singe en effet une langue de Goethe mâtinée de ce qu’il faut de français vulgaire pour que l’intention soit comprise. Composé d’un démerden signifiant très clairement se démerder, et s’adjoignant les services de deux pseudo pronoms personnels posés là pour leur acoustique très oktoberfest, l’ensemble énoncé d’un seul trait ne laisse pas de place à la négociation.
En cas de réponse démerdenzizich, il va falloir faire seul.
Démerdenzizich s’emploie dans de multiples occasions : demande de prêt à taux zéro d’une modique somme d’argent pour se refaire au poker-je-te-jure-c’est-la-dernière-fois-je-la-sens-bien-cette-fois-ouais-je-sais-que-je-te-dois-deux-barres-mais-cette-fois-c’est-la-bonne, offre de remplacement dans une galère dans laquelle le quidam s’est fourré malgré tous les conseils, et diverses patates chaudes proposées par du bien médiocre¹ acceptant la gloriole sans les désagréments qui vont avec.
Le caractère martial naturellement charrié par démerdenzizich met à l’abri de toute nouvelle demande et boute le falot hors-champ, empêchant ainsi que de vils despotes deviennent les maîtres de nos destinées².
Se heurtant au démerdenzizich, le penaud ne reviendra pas.
Le 22 septembre 1984, François Mitterrand et Helmut Kohl réconcilient définitivement deux nations que l’histoire avait parfois éloignées³. C’est louable, certes, mais c’est aussi de fait, la fin pour démerdenzizich.
Au cœur d’un lieu qui vit la sauvagerie prendre ses aises, les deux dirigeants se donnant la main envoient démerdenzizich en surannéité. Plus question pour les uns d’envahir les autres, plus question pour les autres de se moquer des uns.
Pour refuser son aide le moderne – qui est fourbe et menteur – se perd en périphrases campagnardes (il est charrette) ou en appelle à un ridicule franglais d’open space (il est overbooké). Dans le meilleur des cas il sera odoriférant et vulgaire en envoyant péter.
La paix est là et c’est bien l’essentiel; mais démerdenzizich est désormais suranné.