[èj avwar dé tru dâ la rakèt] (loc. tenn. FIASC.)
En ces temps où l’on jouait au tennis en pantalon blanc, la Donnay Allwood – ou tout autre modèle de raquette – était tendue de boyaux naturels que la légende voulait de chats (alors que c’était de la vache) qui la rendaient à la fois puissante et fragile.
Grâce aux tripes de Marguerite le revers était net et précis, le lob subtil et le passing-shot imparable.
Si par malheur une corde rendait l’âme, rejoignant illico celle de la brave ruminante à qui elle appartenait encore quelques semaines plus tôt, le jeu s’en ressentait en efficacité, permettant de se dire que le set était perdu parce qu’il y avait des trous dans la raquette.
Même le plus savant de la langue ou le plus brillant en tournoi ne sauraient dire qui de Suzanne Lenglen, La Divine, de René Lacoste ou de Henri Cochet (destiné par des parents joueurs à faire rigoler ses petits camardes et devenu ainsi avide de revanche sociale et de victoires¹, mais ceci est une autre histoire) a inventé y avoir des trous dans la raquette.
Il est cependant certain que l’origine n’est pas footballistique ou pugilistique, jeux de pieds et de mains se pratiquant sans raquette.
Dès le début du XXe siècle l’expression est d’usage pour distinguer ce qui n’a pas fonctionné dans quelque aventure que ce soit y compris hors tournoi.
Trous dans la raquette à la baie des Cochons
Ainsi se dit-il qu’il y a eu des trous dans la raquette avec un Titanic conçu insubmersible, qu’il y a eu des trous dans la raquette quand Franz Reichelt essaye son costume-parachute de toile caoutchoutée en sautant du premier étage de la Tour Eiffel le 4 février 1912², qu’il y a eu des trous dans la raquette avec la ligne Maginot (le barbare se contentant d’en faire la tour pour éviter son feu). En 1961 un magazine américain titrera même « Trous dans la raquette à la baie des Cochons » mais son ironie peu appréciée en haut lieu lui attirera les foudres de la censure et sa une sera vite retirée.
Dès lors, pas de fiasco sans trous dans la raquette à invoquer. À chaque échec c’est la faute à la tripaille bovine qui a joué les filles de l’air, entraînant à sa perte un projet pourtant ficelé de main de maître.
Et quand parfois la vindicte populaire veut une tête qui n’est pas de raquette en guise d’expiation, on fait payer le lampiste à la place d’une Normande ou d’une Pie rouge des plaines.
Le 5 juin 1983, Yannick Noah bat Mats Wilander avec une raquette en bois et remporte le tournoi des internationaux de France à Roland-Garros³. Le pays est en liesse et célèbre son champion.
Sans savoir qu’il vient d’envoyer y avoir des trous dans la raquette en surannéité.
Plus jamais revers ratés et capotages en règles ne pourront faire appel à la raquette trouée puisque, enfin, la réussite est là (et devrait évidemment y rester).
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