[lé dö mô kapitèn] (exp. acq. BRANL.)
L‘idée de hiérarchie et du respect de l’ordre établi qui cimente toute entreprise humaine doit régulièrement faire l’objet de rappels, tant qu’à faire énoncés lors de thamzing (批斗大会) – ou autres séances de lutte – par les déviants eux-mêmes, histoire de leur réapprendre l’humilité et de réformer leurs pensées subversives. Non mais des fois, c’est qui le chef ?
Le comble de la torture mentale consistera alors à mettre l’accusé devant un dilemme insoluble, une réponse ou l’autre l’envoyant à coup sûr tâter du bâton ou même devant le peloton d’exécution. Mais l’anarchiste est malin et son esprit coquin lui a fait créer la réponse absolue : les deux mon Capitaine¹.
Les deux mon Capitaine permet en effet de répondre conformément au principe de survie qui consiste à satisfaire son chef (ou supposé tel) dans toute réponse apportée. Mais contrairement à ce qu’il pourrait paraître, les deux mon Capitaine a dépassé le stade de l’aveugle obéissance au pouvoir et, comme dirait ce bon vieux Milgram² qui s’amusait à tester l’autorité avec son expérience manipulatrice à base de chocs électriques, a quitté l’état agentique.
En un mot, les deux mon Capitaine est rébellion.
Répondre les deux mon Capitaine à une question binaire du Capitaine (ou contremaître, chef de service, responsable de la photocopieuse, directeur général adjoint, surgé ou quelque monarque en pacotille du même genre) est un outrage subtil éructé à la face du chefaillon qui n’y verra cependant que du feu, trop occupé à goûter la clairvoyance de ses propos toujours nimbés de lumière céleste, y compris quand ils proposent le tout et son contraire dans la même phrase.
Pour le hiérarque, les deux mon Capitaine est une douce flatterie sirupeuse qui coule dans ses oreilles : il a raison, et c’est tout ce qui compte.
Le 28 octobre 1997 de l’ère moderne, la loi portant réforme du Service National est promulguée par le chef de l’État. L’impertinence de les deux mon Capitaine se dilue dans la suspension soudaine de l’obligation d’aller se cacher dans des trous avec un poncho pour repousser l’imminente invasion des parachutistes soviétiques largués derrière nos lignes³, aussi dénommée service militaire.
Dans toute la société civile les petits chefs jubilent : la disparition de les deux mon Capitaine va leur permettre de continuer à raisonner juste sans que personne ne relève que ça sonne creux.