[diné a lotèl dy pu vòlâ] (loc. dîn. GÊN.)
Lorsque le gêneur trop collant n’a pas saisi la nuance d’un propos éloignant, lorsque l’envoyer sur les roses n’a pas suffi à s’en débarrasser s’il est un prétendant, il ne demeure plus qu’une formule susceptible de l’éconduire.
À condition qu’il possède quelque connaissance du langage suranné – mais il en est évidemment ainsi dans les années du même temps – il comprendra qu’il doit déguerpir fissa s’il est convié à dîner à l’hôtel du pou volant.
Dîner à l’hôtel du pou volant est en effet une invitation à aller voir ailleurs si j’y suis du plus haut degré avant usage de la force, une dernière sommation en quelque sorte.
Nombre de coureurs de prétentaine furent invités à dîner à l’hôtel du pou volant
Son caractère aigu provient de l’histoire de la maison du pou volant sise 26-28 Grand Rue à Laval, bel édifice à encorbellement sur solives débordantes construit entre 1423 et 1435 (soit l’une des plus vieilles maisons de l’ouest de la France¹) qui accueillit longtemps un hospice pour nécessiteux au XIXe siècle. Les pauvres hères firent à la bâtisse une réputation d’hôtel à ne pas fréquenter sous peine d’y attraper poux et diverses maladies liées à la misère.
La magie d’une langue gambadant de ville en ville emporta dîner à l’hôtel du pou volant dans le pays tout entier et bientôt, sans qu’aucun établissement proposant le gîte et le couvert ne reprenne le nom (contrairement au Lion d’or, mais ceci est une autre histoire), l’expression botta fermement l’arrière-train du fâcheux.
Nombre de coureurs de prétentaine furent invités à dîner à l’hôtel du pou volant – certains benêts s’y rendirent – et il se murmure que c’est dans cet établissement que se tenait chaque année le grand raout des responsables de photocopieuse du troisième étage, tous envoyés par leur collègues de travail.
La disparition progressive du parador de charme au profit de la cambuse normalisée de la forme de l’oreiller à la contenance de la bouteille de shampooing aura raison de dîner à l’hôtel du pou volant.
Pour les dix huit mille établissements de France, pas question que le moindre parasite vienne gratouiller le cuir chevelu des clients et ruiner leur réputation. Chasser l’expression en surannéité c’est déjà y veiller.
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