[dòktër Zystis] (n. pr. KIAI.気合)
La gueule d’Alain Delon, le mawashi-geri de Bruce Lee, la patience du Dalaï-Lama, le cerveau du professeur Cabrol, la décontraction de Steve McQueen, le désintéressement de l’abbé Pierre… Pour peu qu’il existe, un homme réunissant toutes ces caractéristiques serait évidemment suranné.
Oui, Docteur Justice est un type suranné.
Médecin humanitaire au service de l’Organisation Mondiale de la Santé, le Docteur Benjamin Justice va parcourir le monde pendant vingt ans pour plus souvent soigner les méchants à grands coups de savate dans leur gueule que les petits enfants malades avec des piqûres-bisous qui font même pas mal.
Il est comme ça Docteur Justice, combattant le mal et la maladie en une seule prise. Pas vraiment un homéopathe.
Obéissant autant à son maître de médecine Hippocrate qu’à son maître Hiamuri jamais en retard d’un aphorisme martial (« La voie souple du judo est la plus noble de toutes les formes de défense », « Tu combats mais ton esprit doit rester calme comme la surface d’une eau dormante », « Le diamant est pareil à la noblesse de l’âme », etc.), Docteur Justice est un sacré concurrent pour Rahan, le fils de Craô, au classement des héros à admirer quand on est enfant des années Pif Gadget. À tel point que dans les cours de récré ça frotte parfois entre les Doc’ Justice et les Rahan, bien que tous ne rêvent que « d’un monde meilleur où les hommes des âges farouches vivront en harmonie comme le lotus et la carpe koï »¹.
C’est dans le numéro 69 de Pif (avec le poisson-peigne en gadget) que Docteur Justice surgit pour le première fois, dans une aventure qui ne porte pas de nom. Il est à New York où il s’emploie d’entrée de jeu à corriger quelques malotrus.
Sept semaines plus tard c’est le branle-bas aux Bahamas et paf, bourre-pif dans la tronche de maudits.
Encore sept semaines d’attente et on le retrouve à Vienne pour l’Opération Panther au cours de laquelle il doit encore démontrer son art de la baston (non sans chercher à discuter avec les méchants mais ceux-ci sont têtus comme des mulets et ne comprennent que les atémi).
Accrochage à Bangkok (n°174 avec le mini basket-ball), le Maître du soleil (n°271 et la voiture gyroscope), et les fils du Dragon Noir plus tard (n°445 et son fameux dégringolo), Docteur Justice n’en finit plus de vacciner au riken-uchi ou au soto-uke. Avec un kiai (気合) de temps en temps, le fameux crie qui stupéfie l’adversaire et guérit toutes les maladies.
Des dizaines d’aventures sur tous les continents et pas une amourette avec la belle Mitzo Takuri. Pas le moindre sous-entendu ou regard appuyé. Même pas un petit neko-ashi-dachi (la position du chat) un peu trop sensuel. Docteur Justice est vraiment un type comme la modernité n’en fabrique plus; un type suranné.