[dòné ê ku de ɡrelo] (loc. verb. DRIN.)
Certains coups font plaisir. Hors cercles d’initiés s’adonnant aux pratiques chères au bon marquis de Sade s’entend. Et hors zinc du Balto aussi (même s’il est évident qu’un petit coup de jaja plaît toujours).
Aussi surprenant que cela puisse paraître aux plus récents habitants de cette planète ne maîtrisant pas la langue surannée (ceux nés du millénaire en cours), leurs aînés échangeaient autrefois des coups sans violence aucune, à l’aide d’un grelot. Dring-dring, suivez le guide.
Donner un coup de grelot relevaient même d’une attention particulière, d’un égard. C’est que le bigniou ne se trouvait pas partout en ces temps l๠mon bon monsieur : au café des Poètes, chez le grainetier, mais certainement pas dans tous les foyers. Donner un coup de grelot obligeait à s’employer, et parvenir à joindre son correspondant était parfois plus aisé par l’entremise d’une missive rédigée et confiée à l’unique P majuscule de l’administration des P&T en charge des échanges épistolaires et oraux.
Le plan de déploiement du téléphone voulu par le bon président Pompidou portant ses fruits, donner un coup de grelot se popularisera, et l’expression entrera dans le langage commun.
Bâtie sur la sonorité chevrotante de l’indicateur d’une demande de conversation entrante, dite dring-dring, donner un coup de grelot signifie donc passer un coup de fil, synonyme à peine plus compréhensible par ceux qui n’ont pas connu le câble plus ou moins long qui relie le combiné familial au réseau national.
L’on donne un coup de grelot parce qu’on est alors certain qu’à l’autre bout c’est ce dring-dring qui retentit : au temps du suranné il n’existe qu’une seule et unique sonnerie de téléphone !
Donner un coup de grelot prendra un premier coup de pied aux fesses avec le bip-bip-bip dont est doté le téléphone du chef de service en charge de la photocopieuse, sonorité électronique qui distille subtilement le niveau hiérarchique supérieur de son possesseur.
Mais donner un coup de grelot sera définitivement envoyée sonner en surannéité en 1994, grâce à l’émergence planétaire de la Grande Valse de Nokia², insupportable timbre qui fait savoir dans un rayon de vingt cinq mètres qu’ici est le puissant propriétaire d’un Nokia 2110 et par conséquent une personnalité de tout premier rang qui mérite votre attention voire votre admiration.
Le grelot en question deviendra même un enjeu économique puisqu’en modernité, là où tout se monnaye, on vend désormais les sonneries de téléphone !
Donner un coup de grelot n’avait évidemment plus rien à faire dans ce monde.