[dòné de lo bénit dé pasâ] (loc. belliq. ALLELU.)
Certaines nobles filiations linguistiques ne confirment pas tous les espoirs mis en elles. On peut en effet être une expression dont les fondations furent creusées par Horace (le poète), posséder une structure qui semble des plus quiètes et s’avérer être une forme d’agression.
Donner de l’eau bénite des passants en est l’exemple le plus fort puisque sous ses airs altruistes et compatissante (cf. fig. A.) elle dissimule une réalité plus sombre qui consiste à jeter des cailloux, geste belliqueux s’il en est (hors concours de ricochets bien entendu).
Dans ses Odes (I 28, Une seule fois sur le chemin de la mort) parues en -22 avant JC, Quintus Horatius Flaccus posait donc les bases du geste coutumier qui consistera à honorer la mémoire d’un ami qui s’en est allé remercier son boulanger en lui jetant un peu de terre : « si pressé que tu sois, c’est un peu de retard. Jette trois fois de la poussière, et tu pourras partir ».
Quelques dizaines d’années plus tard, alors que l’aspersion d’eau consacrée pour « produire la santé, chasser les maladies, mettre en fuite les démons, protéger les maisons, éloigner les embûches » est devenue tendance, nouveau culte oblige, on ne sait exactement si c’est l’observation d’une gestuelle similaire ou une simple galéjade peu charitable qui pousse donner de l’eau bénite des passants à devenir ce synonyme de balancer des cailloux sur la tronche du premier quidam venu.
Accompagnant la piété grandissante au cours des siècles qui suivront, donner de l’eau bénite des passants trouvera sa place dans le langage et s’imposera donc à chaque échauffourée étudiante du côté du boul’mich ou à la moindre chasse au marchand d’orviétan pris en flagrant délit de mensonge sur les effets de sa potion guérisseuse.
Les occasions de catapulter du pavé sur qui dérange ne manquant pas, donner de l’eau bénite des passants devient même plus populaire que leur montrer ses fesses, activité pourtant éminemment pratiquée puisqu’elle inspirera une comptine canaille et connue¹.
Au début de ces années mercantiles qui succédèrent aux années surannées, les marchands du temple se liguèrent contre ceux qui s’évertuaient à bousiller le marché de l’eau bénite AOC de Lourdes² ou du Jourdain³ en la donnant au lieu de la vendre à prix d’or.
Accusant donner de l’eau bénite des passants de jeter des pierres dans le jardin de ses voisins et néanmoins camelots en objets de foi, ils réussirent à en faire interdire l’usage et l’envoyèrent rejoindre les reliques surannées.
Ce qui n’empêche pas les braves gens de toujours jeter de la caillasse aux chiens galeux et aux affreux, évidemment, mais ceci est une autre histoire.