[dòné dé nwazèt a sö ki nô ply de dâ] (loc. verb. CARPE DI.)
On trouve dans les chansons grivoises de Gaultier-Garguille, alias Hugues Guéru ou Fléchelles pour les intimes, mention de donner des noisettes à ceux qui n’ont plus de dents. On peut donc affirmer que l’expression nous vient a minima du XVIIᵉ siècle, quand sévissait le comédien et chansonnier. Ce qui en prouve l’évidente surannéité, confortée par la lecture de l’extrait ci-dessous :
Étant garçon à louer,
Je brûlais auprès des filles,
Qui ne voulaient pas jouer
Au boules n’ont plus qu’aux quilles;
Et maintenant ces fillettes
M’offrent leurs embrassements;
Mais c’est donner des noisettes
À ceux qui n’ont plus de dents.
Qu’on ne se méprenne pas, donner des noisettes à ceux qui n’ont plus de dents ne se cantonne pas au registre de la gaudriole, évidemment. D’une manière générale, à chaque fois qu’il sera octroyé un droit, un privilège, ou plus simplement donné un objet à quiconque se verra confusément dans l’impossibilité d’en user, on dira donner des noisettes à ceux qui n’ont plus de dents.
Même si sa structure l’y apparente, l’expression n’a donc rien à voir avec donner de la confiture aux cochons; les cochons la bâfreront quand les pauvres édentés ne pourront pas jouir de leurs noisettes craquantes. Comme quoi les choses sont parfois mal faites, car si l’on avait donné de la confiture à ceux qui n’ont plus de dents et des noisettes aux cochons, les uns et les autres se seraient régalés et n’y auraient certainement rien trouvé à redire.
S’il en est ainsi c’est parce que donner des noisettes à ceux qui n’ont plus de dents comporte tout de même un certain degré de moquerie, voire de sadisme. Car donner des noisettes à ceux qui n’ont plus de dents ne s’adresse pas au jouvenceau attendant que la petite souris lui échange contre une pièce sa dent de lait tombée la veille; non, donner des noisettes à ceux qui n’ont plus de dents est l’expression d’un plus noir dessein…
Torquémadesque est le destin qui permet au barbon de séduire la jouvencelle, Pol-Potien dans l’âme est l’homme qui offre du chocolat à celui qui n’a plus de bras, et que dire du banquier qui ne prête qu’aux riches… Tous donnent des noisettes à ceux qui n’ont plus de dents.
Ce sont les progrès de l’hygiène bucco-dentaire qui rendront surannée donner des noisettes à ceux qui n’ont plus de dents. Grâce à un brossage régulier avec Ultra-Brite® le moderne n’a non seulement plus une haleine de saint Colomban, mais peut en sus conserver toutes ses dents jusqu’à un âge avancé. Bien pratique pour croquer des noisettes, certes, mais tout autant pour sourire aux filles et répondre à leurs embrassements, aussi tardifs soient-ils.