[ètre dublepat é pataSô] (loc. comp. KIF-KI.)
Fy et Bi ont eu leur petit succès au temps suranné du cinéma muet.
Acteurs sans voix de plus de cinquante films tournés de 1921 à 1937, les deux compères du pays des vikings – Carl Schenstrøm et Harald Madsen à la ville – se firent connaître sous différents sobriquets¹ dont l’un devint expression bien française : c’est Doublepatte et Patachon.
En concurrence avec être blanc bonnet et bonnet blanc, être kif-kif bourricot, être la même musique, être Doublepatte et Patachon ne connaîtra pas un succès populaire à l’aune de celui des deux acteurs ainsi dénommés en français mais s’entendra dans un cercle restreint d’esthètes particulièrement exigeants sur la qualité de leurs locutions.
C’est en effet chez les plus pointus de la jactance comac qu’on utilise être Doublepatte et Patachon pour se refuser à distinguer entre deux lascars quasi jumeaux (bien que Doublepatte soit un grand mince et Patachon petit et enrobé) ou deux situations si proches l’une de l’autre qu’il faudrait s’avérer le dernier des tatillons pour les différencier.
Ah ces deux là c’est Doublepatte et Patachon !
Tout en dérivant de deux rigolos bien vivants, être Doublepatte et Patachon s’emploie aussi pour signaler la hiérarchie inexistante entre deux propositions aussi proches que s’en tamponner le coquillard et n’en avoir rien à cirer, ou encore à la Saint Glinglin et à Pâques ou à la Trinité.
Souvent caustique, être Doublepatte et Patachon est d’une grand aide pour se gausser des experts en simagrées qui s’évertuent à trouver une différence entre un mauvais chasseur et un bon chasseur ², entre tire-bouchschtroumpf et schtroumpf-bouchon³ par exemple.
Une confusion sémantique s’installera en 1962 quand surgiront Filopat et Patafil, deux marionnettes muettes elles aussi, qui feront rire les petites têtes blondes cantonnées à l’est du mur de Berlin mais dont la renommé atteindra tout de même l’ouest, brouillant les cartes pour parfois faire surgir être Filopat et Patachon.
L’imbroglio ne durera que six ans puisque Filopat et Patafil rejoindront vite Doublepatte et Patachon au ciné-club des artistes oubliés et des films danois sous-titrés en serbo-croate.
Le petit Patachon et le grand dadais Doublepatte, dégingandés comiques, avaient déjà laissé la place à Laurel et Hardy, deux autres compères qui marqueront le 7e art sans pour autant devenir locution.
Le cinématographe parlant effacera la trace d’être Doublepatte et Patachon, laissant ainsi au concis et prosaïque « c’est du pareil au même » la tâche de faire part de tout état de similarité.
Un de ces paradoxes linguistiques dont le langage moderne n’est pas avare puisque ce n’est vraiment pas du pareil au même de dire que c’est pareil en utilisant être Doublepatte et Patachon plutôt que du pareil au même (mais ceci est une autre histoire).