[o də kolɔɲ] (n. com. PARF.)
Les parfums sont pour nombre d’entre eux surannés.
Attention, je vous parle des classiques, des véritables parfums, pas des trucs à la mode pour puceau boutonneux qui cachera sa pestilentielle adolescence derrière une fragrance facile marketée au packaging clinquant et à la pub délurée, non surtout pas ça palsembleu !
Les parfums sont surannés parce qu’ils ont un rapport unique au temps qui passe, parce qu’eux seuls sont capables de nous faire changer d’époque en un soupir, de nous remémorer un instant qui s’est enfui ou un être chéri, de nous faire replonger dans des souvenirs adorés¹.
Parmi tous ces parfums il en est un plus suranné que tous, celui qu’ont senti les rois et les empereurs, les soldats et les hommes du peuple, celui venu du début du XVIIIᵉ siècle : l’eau de Cologne.
L’eau de Cologne, la vraie, celle de Farina, est un mélange complexe dont je ne prétendrai pas ici vous révéler la forme, si ce n’est pour vous dire que c’est avant tout une lavande. Une jolie lavande même. Cette lavande que l’on hume dans le sillage des grands-mères, ou dans leur cou ou sur leur front quand on leur y pose un baiser. Oui, oui, l’eau de Cologne est surannée parce que c’est une fragrance de mémé, de mamie, de gran’ma, de bonne-maman. Il fut une époque surannée où toute armoire de salle de bains recelait une bouteille d’eau de Cologne dont on frottait plus qu’à raison le corps des nouveaux nés, dont on s’aspergeait soi-même après la toilette matinale, une époque où l’ostentation olfactive n’était pas de mise, une époque où il n’était pas indécent de se servir de ses sens. Poussée au clou par de fringantes fragrances, l’eau de Cologne est restée l’apanage d’antan et s’est ancrée en surannéité sans qu’aucune molécule trafiquée puisse vraiment venir l’y chatouiller.
Louis XV s’en parfumait, Louis XVI l’a probablement portée en un 21 janvier 1793, rasé de frais pour se présenter à ses quatre bourreaux. Napoléon s’en aspergeait et en buvait, lui qui écrivait à Joséphine des lettres lui enjoignant de garder son odeur : « Ne te lave pas, j’accours et dans huit jours je suis là ». L’eau de Cologne est un parfum partagé par tant de siècles et tant d’êtres qu’elle a une place au firmament du suranné. Moi aussi j’en ai mis, et si aujourd’hui j’ai opté pour des volutes sophistiquées et classiques que j’espère de bon goût² tout en m’en aspergeant tel Jean-Baptiste Grenouille pour me faire aimer de la foule, je n’en reste pas moins attentif à une paisible eau de Cologne qui viendrait me taquiner le nez.
Selon quelques spécialistes de renom, l’eau de Cologne serait composée de mélisse, marjolaine, thym, romarin, hyssope, absinthe, fleurs de lavande, racines d’angélique, cardamome, baies de genièvre, semences d’anis, de carvi, de fenouil, cannelle, muscade, girofles, écorces de citron, huile de bergamote, eau de vie. Je les laisse discuter de la chose, ils sont bien plus savants que je ne le serai jamais. Pour moi l’important est surtout qu’elle soit composée de jolis souvenirs.
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