[o de sèlts] (n. com. INITIALS BB)
Mangeant plus qu’il ne faut des mets qui feraient défaillir tout moderne obnubilé par ses cinq fruits et légumes quotidiens, le convive des tables bien garnies des années surannées a tendance à la goutte. Fort heureusement, un breuvage naturel aux vertus thérapeutiques et digestives accompagne ses agapes depuis 1525.
L’eau de Seltz, originalement dénommée ainsi puisqu’elle provient d’une source sise dans le petit village de Selters, loin par delà la ligne bleue des Vosges, est cette boisson qui sauve de la monoarthrite aigüe du gros orteil et de la somnolence ruminante engendrée par le trop-plein d’une alimentation trop riche.
Les sels et le bicarbonate de soude que l’eau de Seltz contient permettent ce petit miracle stomacal qui peut même s’avérer délicieux puisque le mélange vin-eau de Seltz est du meilleur goût, le gaz naturel conférant une pétillance appréciée. Alors on en boit, beaucoup, en ces temps où l’on mange, beaucoup.
L’eau de Seltz sera même victime de son succès, et il deviendra nécessaire de la fabriquer en ajoutant du dioxyde de carbone dans de l’aqua simplex grâce à un siphon, bouteille sous pression permettant à Buster Keaton et Charlie Chaplin des effets comiques hilarants, et aux pompiers d’éteindre des incendies¹.
Tables bourgeoises et cinéma muet feront ainsi la gloire d’une eau de Seltz ne provenant plus des montagnes du Taunus mais faite maison grâce aux paquets Fèvre de poudre gazogène et aux siphons de verre.
L’invention de gags jugés plus efficaces que celui du siphon arroseur enverra l’eau de Seltz croupir au suranné. La chute depuis le toit de sa maison d’un abruti juché sur un vélo qui entendait plonger dans une piscine en contrebas pour obtenir son quart d’heure de gloire warholien, le tout soutenu par un bruitage à base de sifflets et de klaxon cancanant, fait désormais référence dans l’univers burlesque filmé².
Charlot aspergeant son rival avec un siphon d’eau de Seltz ne fait pas rire le moderne qui par ailleurs n’a pas lu L’Amour monstre de Pauwels, et serait donc bien incapable d’avoir une vision dans l’eau de Seltz depuis son pub anglais du cœur de Londres³…
Pas drôle l’époque.