[ékarté dy fyzi] (loc. verb. PPPPP.)
Petit pot de beurre, quand te dépetit-pot-de-beurreriseras-tu ? Je me dépetit-pot-de-beurreriserai quand tous les petits pots de beurre se dépetit-pot-de-beurreriseront.
L’articulation est ardue, certes, mais le contrôle de la production salivaire l’est plus encore. Répétez donc cette phrase à voix haute par trois fois sans le moindre postillon pour prétendre ne pas écarter du fusil.
C’est certainement un chasseur sachant chasser qui concocta à ses heures perdues l’expression écarter du fusil. Car s’il savait chasser, le sacripant choisissait à coup sûr un fusil qui n’écartait pas le plomb, comme on dit quand on taquine la palombe¹. Écarter le plomb qui donna donc écarter du fusil pour rester dans la métaphore chasseresse sans pour autant risquer de blesser qui que ce soit.
Quiconque s’est trouvé sous la mitraille écumante d’un interlocuteur postillonnant sait parfaitement qu’à cet instant il pleut comme à Gravelotte et qu’il vaut mieux rester caché pour éviter la douche. Hors cas de contamination par un rageux goupil², c’est une production excessive de salive générée par l’angoisse qui pousse à écarter du fusil, compliquant ce faisant toute conversation, nul n’appréciant de débattre arrosé par plus d’un millier de protéines visqueuses (amylase, lipase linguale, lysozyme, kallicréine, cystatine, stathérine, histatine, peroxydases, phosphatases, etc.).
Tailler une bavette avec un interlocuteur qui écarte du fusil est une gageure.
Dès 1890, Ivan Pavlov démontra que la vue d’un morceau de viande peut faire écarter du fusil le moindre chien de chasse, et, partie moins connue de son expérience, que la vue d’un morceau de jambe³ peut aussi faire écarter du fusil le moindre type en chasse. Cette explication scientifique de l’émission de postillons fut passée sous silence, la découverte s’avérant trop subversive pour une époque qui commençait à percevoir, grâce à La Goulue, que les nus-photos pouvaient constituer une source de revenus non négligeable.
Écarter du fusil disparut donc du langage pour ne pas entraver avec sa bave projetée l’industrie naissante de la photographie dénudée.
NB : faut-il vraiment s’en plaindre ?