[éSapé déròd] (n. com. INRI)
La langue surannée est parfois tirée par les cheveux.
NB : oui, tirer la langue par les cheveux est une image qui demande un peu de gymnastique mentale mais le lecteur d’un dictionnaire raisonné des mots surannés et expressions désuètes ne manque pas de souplesse d’esprit.
Il en faudra de cette souplesse pour aborder le passage d’innocent à simple d’esprit, saut de coq à l’âne opéré pour la construction de l’expression échappé d’Hérode qui se veut décrire celui qui envisage le monde différemment du commun des mortels, souvent de façon plus créative, parfois de manière plus violente.
Commençons par le rappel d’un tragique épisode de l’histoire biblique : le massacre des innocents. En résumé, Hérode 1er Le Grand, placé sur le trône de Judée par les Romains, craint soudainement qu’un môme né du côté de Bethléem ne vienne lui contester son pouvoir¹. Afin de parer à toute éventualité, le roi ordonne l’exécution de tout bambin de moins de deux ans vivant dans les parages. Un procédé simple et sans chichis pour régler la question; croit-il…
Au moins un des marmots du petit village survivra et entamera de son vivant une carrière qui continuera dans l’au-delà, mais ceci est une autre histoire. En ayant échappé au massacre des innocents il devient en toute logique un échappé d’Hérode puis, lorsque les innocents deviendront des simples d’esprit² aux dires d’un certain Matthieu (l’un des collaborateurs les plus directs sur terre de l’échappé d’Hérode susnommé), échappé d’Hérode signifiera alors barjot. Simple, non ?
Ainsi la langue surannée héritera-t-elle d’un sophistiqué synonyme pour décrire la fantaisie du raisonnement, l’extravagance d’une vision, l’incongruité d’un comportement.
Nul être sensé ne dit plus aujourd’hui qu’il est échappé d’Hérode de celui qui chevauche des éléphants roses ou de celle qui controverse avec son ami imaginaire. Le moderne qui aime avoir l’air savant a inventé des termes remplis de h, de y et de z pour emprisonner le fou.
Comble de l’ironie, Hérode qui régna en échappé de lui-même, sa folie destructrice le poussant à occire femme (la sienne) et enfants (les siens), ne laissa à la postérité que cette expression qui finit par le rejoindre dans la poussière et l’oubli.