[ɑ̃mne ziɡɔmaʁ o siʁk ɑ̃ ɡʁɑ̃d pʁəmjɛʁ mɔ̃djal] (loc. cirq. MEDRAN.)
Le quotidien et la gouaille du petit peuple du pavé ne sont pas les seuls producteurs de langue surannée. Il est aussi de rares hommes au phrasé naturellement riche d’une imagerie fanée mais ô combien efficace.Ainsi en va-t-il du commissaire San Antonio et de son inventeur, Frédéric Dard, à qui l’on doit plus d’un élément de langage capable de synthétiser une pensée. Hommage lui soit rendu en cette modeste définition.
C’est donc dans un opus des aventures de San A datant de 1965 revisitant les bonnes manières de la comtesse¹ qu’apparaît pour la première fois emmener Zigomar au cirque en grande première mondiale. Pour demeurer totalement rigoureux, signalons qu’elle est une expression extrapolée de mener Totoche à Medrano qui traînait du côté de la rue des Martyrs depuis le début du XXᵉ siècle².
Emmener Zigomar au cirque en grande première mondiale concerne en effet la toute première fois comme sa construction le montre, alors que mener Totoche à Medrano est un comportement de vieil habitué des galipettes.
Constituée par cette tradition masculine de dénomination phallique que l’on trouve aussi dans Popaul, emmener Zigomar au cirque en grande première mondiale fait pour sa part référence au héros de Léon Sazie, Zigomar³, le roi du crime à la cagoule rouge qui dirige la bande des Z. Celui-ci donnera aussi être un sacré Zigomar pour désigner les turbulents.
Emmener Zigomar au cirque en grande première mondiale concerne le novice en choses de la vie qui s’en va donc apprendre l’amour, les roses, la vie, les sous et pourra commencer à dire qu’il sait, qu’il sait, même s’il faudra attendre que soixante coups sonnent à l’horloge pour savoir qu’on ne sait jamais (mais ceci est une autre histoire).
Pour emmener Zigomar au cirque en grande première mondiale il est évidemment nécessaire que le chapiteau soit dressé mais ceci est généralement un non-sujet pour le jeune homme vigoureux qui n’a nul besoin des tablettes de magnanimité.
Toute première fois tou-toute première fois
Cette première représentation tient souvent du comique clownesque d’où la référence circastique bien que, notons-le, elle fonctionne aussi en cas d’exercice acrobatique de haute voltige. Une subtilité qui permet au modeste et au vantard de se retrouver dans l’usage d’emmener Zigomar au cirque en grande première mondiale pour désigner cette fois unique qui le restera à jamais puisque c’était la première.
C’est en 1984 qu’emmener Zigomar au cirque en grande première mondiale file en surannéité.
Trop compliquée, trop longue à prononcer pour le moderne qui préfère désormais chanter avec Jeanne Mas que ah, des gouttes salées, ont déchiré, l’étrange pâleur d’un secret, ah, pourquoi ces mots, si forts, si chauds, qu’ils gémissaient sur ta peau, te font l’effet d’un couteau. Toute première fois tou-toute première fois prend le pas sur les clowneries et annonce un virage stylistique dans le langage qui ne devra plus nécessairement signifier quoi que ce soit.
Alors à quoi bon conserver une expression surannée pour puceau ?