[â buSé ê kwê] (loc. surpr. BÛCH.)
De coi à coin il n’est qu’un « n » et les plus audacieux en explications orthographiques n’hésiteront pas à en faire des tartines pour tenter de prouver que la stupéfaction du coi est la forme policée de celui à qui on en a bouché un coin.
Si on ne peut leur donner tort sur le résultat – le coi a bien un coin bouché – ils n’emportent pas pour autant le bout de gras avec leur affabulation.
Le coi a bien un coin bouché
C’est en effet dans un tout autre coin qu’il faut fouiller pour trouver ce qui a bien voulu créer en boucher un coin. Le prisme triangulaire servant à fendre les troncs d’arbre dans le sens de la longueur est la clef du mystère : l’interstice qu’il vient boucher avant de diviser en deux à l’aide du marteau est la clef du mystère de l’expression tout autant surannée que le chauffage au bois (mais ceci est une autre histoire).
Cet angle est le coin obstrué qui époustoufle autant qu’il interloque, qui ébaubit, qui ébahit.
Il faut croire qu’un quidam ayant pris langue avec un bûcheron ahanant se sera retrouvé bée et aura alors fait du coin la raison de son silence stupéfait. Le surgissement d’une expression tient parfois à si peu…
De muette apathie en langueur lassée, en boucher un coin prendra ainsi place dans le langage de l’étonné et de l’étonnant, tous sujets confondus : sport, politique, littérature, sciences, arts, élégances diverses boucheront des coins plus souvent qu’à leur tour, pour le meilleur et parfois pour le pire.
Submergé par la nouveauté quotidienne et obligatoire qui rend caduque le principe d’hier ou l’objet d’avant-hier, le moderne n’est plus surpris en rien et ne peut donc se voir boucher un coin. Son attitude blasée (de celui à qui on ne la fait pas, à côté de laquelle Pyrrhon d’Élis passera pour un lyrique) a condamné en boucher un coin à errer vers les marges de l’oubli puis à tomber en désuétude.
Drôle d’époque sans saisissement ni pochette surprise.
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