[â pomé la sòrbòn] (exp. pop. COMPRÉH.)
Depuis le XIIIᵉ siècle et la création d’un collège par Robert de Sorbon, la Sorbonne incarne la connaissance et la réflexion, quitte à ce que celle-ci se fasse aussi par la contestation et le jet de pavés ou divers objets contondants sur la maréchaussée (mais ceci est une autre histoire).
L’heure est donc grave quand quiconque se trouve dans une situation où il en paume la Sorbonne.
La perte dont il est question n’est en effet pas celle de l’adresse de l’université (75005 Paris) mais de sa raison d’être : la compréhension.
En paumer la Sorbonne c’est ne rien comprendre à quelque chose, nada, queue de chique, que pouic, que tchi, jusqu’à en perdre la tête (pas au point de porter la Sorbonne à Charlot tout de même).
Dans les années surannées les occasions quotidiennes d’en paumer la Sorbonne sont légion : remplissage d’un formulaire administratif B2 à retirer au 3ᵉ étage bureau 452 de 14 heures à 16 heures (hors jours fériés, mercredis et veilles de fêtes), lecture d’un horaire des chemins de fer sur un dépliant de dix-huit volets en format poche, plongée dans les petits caractères d’un contrat d’assurance, etc.
La profusion de chausse-trappes dissimulées de-ci de-là par de joyeux drilles souhaitant simplement se marrer un peu en contemplant le quidam au cerveau chamboulé¹ permet à en paumer la Sorbonne de devenir une locution très répandue et à la France de conforter sa place de deuxième (après l’indéboulonnable URSS et devant le royaume d’Ubu²) dans le classement de la complexité en tout et n’importe quoi.
Un état de l’art que ne saurait supporter la modernité lorsqu’arrive, enfin, son heure de régner.
Inflexibles sur la flexibilité, ses plus brillants représentants prennent des mesures : classement en catégorie surannée d’en paumer la Sorbonne, simplification des procédures administratives avec création de sites Internet³ 2.0-UX-responsive-design-chatbot-inside-background-friendly (sous réserve de la mise à jour de votre navigateur, vous renseigner auprès de votre administrateur réseau ou d’un voisin qui semble s’y connaître en informatique), apposition du label « Ouverture facile » sur les paquets d’emmental râpé et de les bocaux de cornichons, création d’un ministère de la simplification.
L’évidente efficacité de ces nombreuses et nécessaires réformes fera rapidement taire les nostalgiques d’un désordre ancien qui usaient encore d’en paumer la Sorbonne pour décrire leur désarroi mental.
L’expression disparaît à la vitesse de résolution du moindre problème comme après un échange téléphonique avec le service après-vente d’un acteur de l’économie moderne et numérique : instantanément en cliquant sur le bouton « Supprimer pour envoyer en surannéité ».