[ãtãdre le ty otèm] (loc. fra. lat. SECR.)
Ah qu’ils étaient exigeants ces temps de la langue surannée : non seulement il fallait parler le latin et donc travailler à l’école, mais en plus avoir l’ouïe fine (sans pour autant écouter ce que disaient les grands sur Pompidou ou Georges Marchais). Une vraie gageure.
Entendre le tuyauté est donc ce qui parvint le plus souvent aux oreilles gamines en lieu et place d’entendre le tu autem. Vous admettrez bien volontiers qu’on s’y méprend. Aussi nous méprîmes-y nous.
Il nous fallut bien des versions et bien des thèmes¹ pour accéder à entendre le tu autem. Et il s’avère que rarement expression désuète a aussi bien porté son sens. Car si entendre le tu autem signifie comprendre à demi-mots, il faut être capable d’entendre le tu autem pour enfin entendre le tu autem. Vous suivez ? Il faut être capable de subtilité pour entendre le tu autem. C’est mieux ?
« Tu autem, Dómine, miserére nobis »
Même si entendre le tu autem nous vient de la prière « Tu autem, Dómine, miserére nobis », l’expression est païenne. Sans quoi elle serait demeurée cloîtrée, comme les quelques moines se fadant la lecture du bréviaire du petit-déjeuner au coucher. Il n’en est rien : entendre le tu autem s’utilise à tire-larigot, peut-être un peu moins que tu quoque mi fili mais largement autant qu’in vino veritas. C’est dire…
Une moue dubitative ou un sourire entendu (précisément) font entendre le tu autem. Une conclusion de diatribe sur les jeunes-qui-nous-cassent-les oreilles-avec-leur-musique-de-sauvage en enfin-vous-voyez-ce-que-je-veux-dire-Madame-Musquin fait entendre le tu autem, et une réponse en oh-oui-oh-oui-oh-oui-enfin-mais-c’est-pas-tout-ça-j’ai-un-rôti-au-four est en réalité codée pour marquer l’empathie compréhensive.
Oui, il faut avoir fait ses humanités pour entendre le tu autem.
Peut-être est-ce pour cela que l’expression filera en surannéité, la langue morte se voyant remplacée par celle des affaires dans laquelle il est parfois tout autant nécessaire de comprendre à demi-mots. Par exemple, il apparaît qu’on-se-fait-un-call-et-on-en-parle-avant-le-kick-off veut dire de asini umbra disceptare².
Sic transit gloria mundi.