[âvwajé dy paté] (loc. laudat. HERO.)
Le laudatif est une forme qui s’accommode à merveille de débordements syntaxiques et d’envolées lyriques dont l’outrance plus ou moins maîtrisée marquera tout le mérite du loué (seigneur, femme, homme ou Grand Œuvre).
L’alliance de l’administration des P&T et de la corporation charcutière qui pourrait passer pour celle de la carpe et du lapin n’est donc pas une véritable surprise pour qui flagorne ou glorifie dans ces temps surannés, en usant d’envoyer du pâté.
Coupons court à toute extrapolation complotiste : aucune entente n’a véritablement eu lieu entre des ronds de cuir des Postes et Télégraphes et des représentants de la Confédération Nationale des Charcutiers-Traiteurs pour concocter envoyer du pâté.
Envoyer du pâté possède de multiples facettes
Les diverses acceptions qui lui sont attribuées témoignent d’ailleurs d’une probable génération spontanée et d’un manque absolu de rigueur dans sa définition exacte. Tantôt signifiant l’extraordinaire d’un acte, tantôt désignant la vitesse de réalisation d’un autre, tantôt avouant un côté balourd mais pour autant admiré, envoyer du pâté possède de multiples facettes.
À titre d’exemple Jean Moulin envoie du pâté pour ses actes de résistance, tout comme Fangio envoie du pâté quand il prend le volant ou Joseph Pujol, dit Le Pétomane, quand il monte sur scène. D’où une certaine difficulté de compréhension, ces trois héros n’ayant pas exactement parcouru le même chemin vers la postérité.
Paradoxalement, cette confusion ne nuira pas à envoyer du pâté qui poursuivra une carrière intéressante au sein des expressions spontanément citées en sus de sifflements admiratifs et d’yeux écarquillés devant l’exceptionnel.
Un temps pressentie comme devise des Jeux Olympiques modernes magnifiant le dépassement de soi corps et âme, « Ça envoie du pâté » ne sera finalement pas retenue, Citius, Altius, Fortius emportant le bout de gras, une formule latine bénéficiant toujours du bon côté de l’incompréhension (sic transit gloria mundi).
Envoyer du pâté tombera en surannéité en octobre 2014, propulsée dans l’oubli à jamais par… La Poste. Celle-là même qui ne l’avait pas créée va donc la détruire en tentant – un peu ridiculement – d’en exploiter la force pour sa publicité. En pleine modernité, l’institution du courrier fortement concurrencée par la voie électronique pour ce qui est des envois tente une campagne incitant à « envoyer l’impossible avec La Poste ».
Ce qui devait advenir adviendra.
Évidemment, des facétieux enverront du pâté par pli dûment affranchi, réduisant à néant les brillantes élucubrations créatives de publicitaires sous amphétamines et les machines de plusieurs centres de tri.
Envoyer du pâté ne s’en relèvera pas.