
Fig. A. Ceci n’est pas un bouquet de roses (mais un importun éconduit).
[ɑ̃vwaje syʁ le ʁoz] (DEG. OPPORT. FLEUR.)
Expression délicieusement fleurie des temps surannés, envoyer sur les roses consiste en l’art subtil de se débarrasser avec élégance et fermeté d’un importun qui ne saisit ni les regards appuyés, ni les yeux levés au ciel, ni les silences éloquents.
Point de bouquet parfumé offert à l’ardélion pour célébrer l’amour, mais plutôt une invitation sans détour à disparaître dans un jardin lointain, où l’on espère qu’il prendra racine loin de nos affaires.
Envoyer sur les roses est ainsi le recours ultime des élégantes lassées des soupirants maladroits, mais aussi des citoyens revenus des ministres aux discours trop longs et des grouillots las des ordres reçus de directeurs adjoints spécialisés dans la complication des affaires simples. Cette expression piquante transforme le rejet en une promenade champêtre forcée, où l’intrus doit se perdre au milieu des épines pour méditer sur sa rusticité.
Notons que la rose, malgré sa réputation romantique, possède des aiguilles qui, sans être fatales, assurent une sortie suffisamment douloureuse pour décourager le malotru de revenir trop vite. En ce sens, envoyer sur les roses revêt un caractère pédagogique certain, enseignement qu’aucune autre fleur, fut-elle pivoine, tulipe ou jonquille, n’aurait pu dispenser avec autant d’intensité.
Envoyer sur les roses revêt un caractère pédagogique certain
Une fois chu sur son lit de pétales, le casse-pieds est contraint de laisser pisser le mérinos sous peine d’escalade dans l’intensité des représailles. Et là, la fleuriste s’avérerait moins fleur bleue.
Modernité oblige, les roses d’aujourd’hui se vendent sans épines et les indésirables que l’on dit désormais « relous » ont acquis une peau trop épaisse pour sentir la moindre piqûre. L’expression s’en est trouvée émoussée, presque fanée.
On se contentera de bloquer les numéros de téléphone¹, supprimer les profils² et autres manières sans âme de dire à l’autre qu’il serait bien inspiré d’aller se faire voir ailleurs.
Le parfum délicatement désuet d’envoyer sur les roses a perdu de son charme, ne laissant aux malotrus contemporains aucune chance de saisir la poésie de leur disgrâce. Dommage.