[ɛʁɡo ɡly] (loc. lat. DTC.)
Le langage suranné fut bâti avant tout pour moquer le sachant broyant de l’eau dans un mortier, pour railler l’abatteur de quilles, pour éconduire le patte-pelu.
Dans ses expressions désuètes, il cache une résistance à la pensée creuse des rodomonts qui glosent, péremptoires, magistraux et dogmatiques, pour épater la gueuse ou dominer le timide. Il leur a même réservé ergo glu pour les prendre à leur jeu d’éloquence molle. Un délice.
Ergo glu, initiant ergo glu capiuntur aves (donc on prend les oiseaux avec de la glu, s’il faut encore le traduire) désigne les raisonneurs de bien peu qui s’imaginent déambulant en toge aux côtés d’Aristote ou cheminant avec Descartes (un peu plus habillés) à chaque fois qu’ils partagent leur avis sur la recrudescence de quoi que ce soit ou la disparition de son contraire, la composition de l’équipe de France de football ou plus généralement la bonne marche du monde.
Ergo glu celui qui ne doute de rien et qui le fait savoir haut et fort.
D’ailleurs il hochera la tête lorsqu’on lui répondra ergo glu, ou la formule complète s’il le vaut bien, y percevant un déférent amen et non un insolent mais-que-tu-es-ridicule-mon-pauvre-mais-continue-tu-nous-fais-rire.
Exemples :
« — Compte tenu du contexte international, nous sommes contraints de réorganiser les ouvertures pertinentes afin d’anticiper certaines hypothèses induites.
— Ergo glu. »
« — Nonobstant la dualité de la situation conjoncturelle, il ne faut pas négliger une analyse profonde qui permettra d’étalonner l’ensemble de principes déterminant la portée des actions à venir.
— Ergo glu capiuntur aves. »
Le pédant se fane devant un ergo glu bien placé. Le xyloglosse le note, le trouvant brillant, se promettant de le placer. Et que dire du regard torve du Photocopy&Print General Manager (PPGM)¹ lorsqu’à son laïus sur les enjeux de la bonne tenue du local accueillant ses outils reproducteurs et son développement argumenté sur la fonction recto-verso disponible selon savant réglage, lui sera répondu ce lapidaire ergo glu…
Durant sa longue carrière, ergo glu clouera ainsi plus d’un bec trop ouvert.
Un terrible malentendu lié à la forme latine le rapprochant de l’amen vu plus haut enverra ergo glu dans les oubliettes surannées.
Le 8 décembre 1965, Paul VI, pape de son état et donc grand chef du XXIᵉ concile œcuménique de l’église catholique, clôt le raout Vatican II en annonçant la fin de la messe en latin².
Prise pour ce qu’elle n’est pas, ergo glu capiuntur aves est emportée dans la tourmente qui suivra (seule in vino veritas échappe à la curée³, on comprend bien pourquoi, mais c’est une autre histoire). Un comble pour une expression qui moquait des pompeux ab esse ad posse valet, a posse ad esse non valet consequentia ou e fructu arbor cognoscitur balancés sans comprendre.
Sic transit gloria mundi…