L‘obligation de faire ses humanités n’enlevait rien de son caractère au potache des années surannées.
Le bougre pouvait même trouver matière à calembour dans certaines désinences déclinées au nominatif, à l’accusatif, au génitif ou au datif et à l’ablatif pluriels. C’est dire si on savait se marrer dans ces temps reculés.
D’une locution adverbiale a priori peu portée sur la rigolade, la cohorte créative des abonnés du dernier rang avait réussi à faire un joli pied de nez que seuls les puristes jactant avec l’accent de Jules César ou Cicéron¹ comprenaient : et vice versa (soit « la place étant tournée ») devenait dans leur bouche et lycée de Versailles, hommage complexe à une scolarité passée à Hoche ou Notre-Dame du Grandchamp tout autant qu’à une rengaine conclusive du corps professoral se complaisant ainsi à semer le doute dans des cerveaux encore fragiles.
Sic transit gloria mundi, et lycée de Versailles
Née de cette approximation sonore qui se voulait provocante proximité, l’expression et lycée de Versailles parachevait ainsi doctement des raisonnements plus ou moins brillants, leur conférant un poids que les seuls arguments développés peinaient à assurer. Un peu à la manière d’un sentencieux Si vis pacem para bellum ou d’un toujours apprécié Sic transit gloria mundi.
Reprenant l’art de signer d’une maxime latine la moindre ratiocination, et lycée de Versailles permettait donc à de piètres raisonneurs – mais sacrés déconneurs – de faire se bidonner les condisciples (et éventuellement la blondinette du premier rang) et de glaner des lettres de noblesse que même un rosa rosa rosam rosae rosae rosa bien récité ne pouvait apporter.
Ce qui explique son succès et son fulgurant développement jusque dans le moindre débat de PMU sur les quotas laitiers ou l’absolue nécessité d’un programme commun et d’une inflation maîtrisée.
Selon l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques c’est 1962 qui note le plus d’utilisations de et lycée de Versailles, cette année là correspondant aussi au tango ânonné par un Jacques Brel ayant visiblement souffert des épines des Rosa (mais ceci est une autre histoire).
Diverses réformes éducatives portant toutes fièrement le nom de leur ministre inspirateur auront raison d’et lycée de Versailles via le désenseignement subtil et progressif de l’esthétique et de la rhétorique, de la morale et de l’instruction civique.
Rejoignant au paradis des expressions de daron² l’économe « on n’est pas à Versailles ici », et lycée de Versailles glissera dans l’oubli jusqu’à passer pour un soubresaut émétique s’il se trouvait encore formulé.
En modernité point n’est besoin d’humanités.