[lez- etwal dy sinema] (gr n. TV)
Sur une musique de Francis Lai, FR3 (déjà là tu sais qu’on est suranné) nous proposait un petit générique de trente secondes faisant défiler sous nos yeux fascinés d’autres yeux parmi les plus expressifs du cinématographe : c’était les étoiles du cinéma, tout simplement.Pour moi c’était surtout l’heure de filer au lit parce que dans la vieille France d’alors les enfants ne regardaient pas la télévision le soir, Môssieur. Le temps de négociation avec l’Autorité sur l’opportunité d’un coucher plus tardif me laissait le plaisir d’apercevoir les yeux d’Audrey Hepburn, d’Alain Delon et bon nombre d’autres regards que ma pauvre culture du 7ᵉ art et ma myopie naissante ne me permettaient pas d’attribuer, mais peu importait : la magie était là grâce à cette musique avec son brin de nostalgie et cet enchaînement en noir&blanc façon Harcourt.
Les étoiles du cinéma étaient un suave mélange de rêve passé (on sentait bien que ces visages ne reviendraient pas) et de beauté éternelle. Ce passage en revue de prunelles et d’iris avait un truc magique que la pauvreté technique de l’époque ne parvenait même pas à esquinter (on est loin du morphing travaillé à la console numérique), la flamme d’un regard est éternelle. J’admets bien volontiers qu’il possède aussi un côté légèrement anxiogène (les yeux écarquillés de la 13ᵉ seconde ou les yeux noirs de la 15ᵉ ?) et j’ai pu recueillir des témoignages d’hommes et de femmes refusant aujourd’hui encore d’aller au lit sans leur doudou « parce que les gros yeux les regardent » (sic).
L’heure d’aller se coucher tôt est désormais passée. Je veille jusqu’à minuit et me gave de navets et de séries en mangeant des bretzels les pieds sur la table si je veux; je suis grand aujourd’hui et c’est moi qui décide. Dans la télé moderne plus aucun générique ne m’accueille comme les étoiles du cinéma savaient le faire.
De nos jours c’est Cerise¹ de Groupama qui me présente le film du dimanche soir. Elle a aussi de beaux yeux Cerise mais elle ne me regarde pas comme avant. J’ai l’impression qu’elle veut me vendre un truc…
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