Être aimable comme une porte de prison [ɛtʁ ɛmabl kɔm yn pɔʁt dø pʁizɔ̃]

Fig. A. Les portes du pénitencier qui bientôt vont se fermer.

[ɛtʁ ɛmabl kɔm yn pɔʁt dø pʁizɔ̃] (LOC. AIMAB. PÉNITEN.)

Déjà bien avant 1964 et un Johnny qui médite sur les portes du pénitencier qui bientôt vont se fermer et c’est là qu’il finira sa vie comme d’autres gars l’ont finie, il était convenu que les prisons incarnaient la rigueur de la justice et la froideur de l’administration planquées derrière leurs murs.

Nul besoin du poète ou d’un séjour à la Santoche pour savoir que la porte de prison, massive, verrouillée, grinçante et récalcitrante à toute ouverture spontanée, ne s’embarrasse pas d’effusions chaleureuses lorsqu’elle accueille ses hôtes.

C’est cette absence totale de convivialité que le bon peuple qui fait la langue a transposée aux relations humaines. Ainsi, être aimable comme une porte de prison c’est afficher une humeur des plus sombres, ne laisser passer ni sourire ni politesse, et offrir un accueil glacial digne d’un cerbère suspicieux ou d’un guichetier des impôts.

On raconte que sous le règne de Louis XI, célèbre pour son goût des cachots et des cages en ferraille, certains geôliers du château de Loches se distinguaient par une bienveillance inversement proportionnelle à l’épaisseur des murs. Le prisonnier qui osait demander un oreiller ou un peu plus de lumière recevait en retour un regard noir, un grognement indistinct, voire un tour supplémentaire dans la roue de torture. On n’ose imaginer ce qui arriva à celui qui un jour réclama des croissants…

Enthousiasme souvent minime et atrabile facile

Le Capétien bougon allait voir lui succéder dans l’histoire d’autres figures à l’enthousiasme souvent minime et à l’atrabile facile. On pourra citer ici Margaret Thatcher dont la fermeté politique n’avait d’égale que son absence de patience pour les salamalec, Folcoche dont la pédagogie n’est heureusement plus enseignée dans les écoles, Vlad l’Empaleur doté d’un sens de l’hospitalité douteux, ou encore Harald Schumacher qui ne souriait que quand il assommait Patrick Battiston¹.

Tous ont incarné être aimable comme une porte de prison, expression traduisant à la perfection leur aversion pour l’interaction sociale et leur penchant médiocre à la blagounette. A-t-on jamais entendu Miss Maguy raconter une blague de Toto ?

Aucune porte des 186 établissements pénitentiaires français n’a jamais démenti cette acrimonie présumée. L’administration en charge de la surveillance et de la réinsertion ne fait pas dans l’aimable, c’est ainsi. Sa clientèle dans laquelle on ne compte pas beaucoup de rigolos ne lui en tient guère rigueur. Être aimable comme une porte de prison est une formulation qui fait l’unanimité, quel que soit le côté de la porte où l’on se trouve.

Il serait dommage qu’un mode de surveillance plus moderne lui ravisse sa place dans le langage.

Être aimable comme un bracelet électronique ça n’a pas la même gueule tout de même.

¹RFA-France, Séville, 1982, 56ᵉ minute.

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