[ètr o petiz- òNô] (expr. culin. EXCEL.)
Puisque dans les arts émérites fournisseurs officiels d’allusions dithyrambiques pour la langue surannée, l’on trouve tout en haut celui du marmiton, c’est en cuisine que l’expression d’une excellence travaillée avec le plus grand sens du détail va voir le jour.
Ainsi en est-il en France, pays gastronome à la langue bien pendue.
Nés sous la lame tranchante de l’homme en toque, les petits oignons exigent à la fois une maîtrise totale du poignet et de son mouvement de va-et-vient (sous peine de se voir mêlés à un morceau d’index ou de majeur, pièces peu goûtues de viande humaine) et représentent la quintessence du petit truc en plus qui va illuminer le plus modeste des plats.
C’est pour ces deux raisons simples que l’expression être aux petits oignons va bien vite passer de son Baloutchistan natal où elle ne dit pas encore la perfection dans la langue dravidienne des paysans du coin, aux salons bien fréquentés dans lesquels il est de bon ton de se pâmer pour un sonnet, une dorure, une barbouille.
On ne dira jamais que c’est aux petits oignons blancs Très hâtifs de la Reine
Là, si l’on souhaite séduire la grande horizontale qui y règne, on la flattera pour ses riches tentures tombant aux petits oignons, son portrait resplendissant de grâce peint aux petits oignons ou n’importe quel machin aux petits oignons, la présence dans la phrase du bulbe découpé de la plante potagère suffisant à lui porter le rose aux joues et les larmes aux yeux.
Cette promptitude à faire effet dans la flagornerie se verra d’ailleurs distinguée avec un choix de dénomination original, en l’occurence celui d’oignon blanc Très hâtif de la Reine, pour une variété précoce et un peu rustique de la plante. Pour autant on ne dira jamais que c’est aux petits oignons blancs Très hâtifs de la Reine.
Ce sont les oignons de Roscoff ou ceux des Cévennes qui sont le plus présents à l’office et vont donc transporter d’aise celles et ceux dont ils titillent les papilles et l’égo au cours de leur marche vers la gloire : celui d’un usage quotidien par le peuple des villages tout comme par le bourgeois.
Jusqu’en 1990 être aux petits oignons va magnifier la finesse, louer la grandeur, souligner la perfection.
Après avoir échappé à la réforme de l’orthographe de 1740 ainsi qu’à celles de 1835, 1878 et 1935, oignon se fait découper en rondelles au début de la modernité et perd son -i troublant pour les correcteurs smartphoniques. Selon certains il peut même s’espérer heureux d’avoir conservé ce -g qui gnognotte.
Être aux petits oignons, dépité, s’en va en pleurnichant bouder en surannéité.
C’est good lui prend sa place puisque le nouveau monde use d’un sabir aéroportuaire qu’il imagine polyglotte.
Il sera à son tour remplacé « à l’écrit » par un pouce levé, celui-là même qu’il fallait éviter d’entailler pour que tout soit aux petits oignons, mais ceci est une autre histoire.