[ètr o pòm] (loc. exclam. TOP.)
Le temps passé au jardin aura été propice aux fruits, aux légumes, aux siestes sous les arbres et à la langue française.Si on lui adjoint celui qui suit bien logiquement en cuisine pour mitonner petits plats et desserts à base de la cueillette du jour, on obtient une partie non négligeable des expressions dont la maîtrise échappera au moderne habitué aux salades en sachet et aux fraises emballées.
Selon la légende, être aux pommes fait partie du bréviaire fruits et légumes depuis le commencement, quand la vie se déroulait tranquille peinard dans le jardin d’Éden où, précisément, les pommes succulentes assuraient la paix tant qu’elles n’étaient pas mangées.
Tout était aux pommes dans ce jardin des délices et ne demandait qu’à le rester à la seule condition de ne pas tenter de tarte avec les fruits de l’arbre de la connaissance du bien et du mal.
Une petite faim changea évidemment le cours des choses, mais ceci est une autre histoire.
Bien que les choses commencèrent à se gâter sérieusement après la maladresse lamottoise des sœurs Caroline et Stéphanie Tatin, c’est aux pommes demeura longtemps l’exclamation soulignant l’excellence en tout, plat, dessert ou action. Plus encore, le succès de leur délicieuse tarte renversée sembla encourager l’utilisation d’être aux pommes à chaque fois que la perfection était approchée.
C’est aux pommes quand on place un satellite en orbite (Sputnik 1, 1957), c’est aux pommes quand Erwin Schrödinger résout une équation, c’est aux pommes par ci, c’est aux pommes par là : le XXe siècle est celui de la Golden et de ses consœurs d’étal.
L‘expression est à son apogée quand, en 1995, Jacques Chirac alors candidat à l’élection présidentielle, déclare dans une entrevue qu’il en est grand mangeur.La pomme va devenir celle de la discorde, 52,64 % des électeurs Français trouvant dès le 8 mai que c’est aux pommes tandis que 47,36% prennent en pleine poire la défaite de leur champion aux pâquerettes.
Être aux pommes ne se remettra pas de sa dérive partisane et filera se faire oublier en surannéité par la moitié de la population avant de disparaître complètement du langage bientôt remplacée par la plus moderne déchirer grave, elle aussi utilisée indifféremment pour une tarte ou un haut fait.