
Fig. A. Bel homme.
[ɛtʁ bo kɔm kʁezys] (RICH. BEAU.)
Deux choses font tourner la tête et briller les prunelles : la plastique (du minois) et le plastique (de la carte de crédit).
À la croisée du glamour et de l’oseille, voilà qui méritait bien une expression spécialement conçue pour l’occasion. La langue française, à qui on ne la fait pas à l’envers, a concocté pour ça être beau comme Crésus, sorte d’illusion d’optique où l’éclat du grisbi devient du sex-appeal.
Pour ceux qui auraient séché les cours d’histoire et de mythologie de Monsieur Charton, rappelons que le Crésus en question était un roi légendaire, souverain de Lydie (une contrée d’Asie Mineure), célèbre pour sa fortune colossale. Le type avait touché le pactole notamment parce que le Pactole, une rivière aurifère généreuse du coin, passait par son royaume et lui assurait une confortable trésorerie. Et l’histoire a retenu avant tout sa fortune, pas son charme.
Un hommage fielleux
Être beau comme Crésus n’est ni plus ni moins qu’un subtil détournement d’être riche comme Crésus, expression soulignant quant à elle plus directement l’opulence. Selon ses inventeurs, le riche est toujours plus séduisant, plus désirable, plus photogénique que le pauvre, même avec un profil de vieille godasse.
Être beau comme Crésus, c’est porter beau parce que l’on est bardé de pépètes, c’est parader en costard griffé ou en robe qui coûte trois SMIC, c’est attirer les regards non pour son charme naturel mais pour son portefeuille bien garni. Le pécore devient un prince, le boudin une comtesse. Une Ferrari au bout du bras, et même la trogne la plus terne prend des airs d’Apollon.
L’expression est un hommage fielleux au fafiot qui rend désirable le falot, et un coup de pied de l’âne à l’entichée du rupin. Les deux opportunistes en prennent pour leur grade mais il leur faudra un temps pour le comprendre tant la formule est habile et rusée.
Le narcissisme fortuné du moderne connecté aura eu raison de l’expression.
Avec application il étale désormais ses actifs, il plastronne comme Elon, il s’exhibe bankable. Et il ne sait pas vraiment pourquoi on l’aime.