[ètre bjê lyné] (loc. hum. FESS.)
C‘est un combat à fleurets mouchetés qui a longtemps opposé défenseurs d’une langue sans effleurement libidineux et tenants de la galipette gaillarde autour d’une question : qu’est-ce que la Lune dans le langage ?
Satellite en orbite pour les premiers, séant pour les seconds, les hérauts de chaque camp se sont écharpés sur Au clair de la Lune, ferraillant sur la plume de l’ami Pierrot¹ et son rapport avec la Lune de la voisine, et sur être bien luné.
Argumentant sans répit sur l’influence de l’astre sur les marées terrestres, le sommeil des humains et le comportement des loups-garous, ce sont les avocats des collets-montés qui emporteront le bout de gras installant être bien luné comme l’expression d’une humeur positive.
Ceux qui voulaient en faire la description des atout d’une Vénus callipyge en seront refroidis. Jamais être bien luné ne pourra décrire un fessier affolant, un popotin attirant, un baba alléchant.
La bataille emportée aux alentours du XIᵉ siècle², être bien luné règnera sur la mesure des vapeurs (on est mal luné quand on en a) et de l’entrain (on est donc bien luné quand on en est plein) pendant plusieurs centaines d’années, et ce ne sont ni les aventures de Tintin ni le premier pas d’un Neil Armstrong commentant son exploit qui viendront entamer sa portée.
Au XVIIIᵉ siècle une formule légèrement plus précieuse verra le jour : on peut alors être dans une bonne lune. Mais c’est être bien luné qui passera l’épreuve du temps, à peine éclipsée un instant.
La Lune n’échappera pas aux affres de la mode et tombera en désuétude après avoir été atteinte, Mars devenant soudainement le nouvel objectif d’une exploration absolument nécessaire pour vérifier si de là-haut on voit Montmartre, pour s’assurer que les Martiens sont bien verts avec des antennes (cf. fig. B.), et pour y abandonner des déchets un peu trop nombreux sur Terre³.
Être bien luné déclinera elle aussi, supplantée par les LOL et des PTDR modernes décrivant de leurs acronymes abscons une certaine alacrité contemporaine souvent augmentée d’un pouce levé (l’observation empirique des voyageurs d’une rame de métropolitain distillant cependant le doute sur leur jovialité numériquement affichée, mais ceci est une autre histoire) .
L’avenir conjugué de la conquête spatiale et du langage parlé nous dira si le sens plus lubrique d’être bien luné en profitera pour renaître.