[ètre buSé a lémri] (loc. verb. ABRUT.)
Venue principalement de Naxos, magnifique île des Cyclades, la roche métamorphique composée de spinelle et de corindon qu’on appelle aussi émeri, fait depuis l’antiquité dans sa version poudrée, le bonheur des vignerons au moment de la mise en bouteille.
C’est en effet grâce à son mélange à de l’eau ou de l’huile que l’émeri aide à boucher correctement le magnum, le mathusalem ou le nabuchodonosor dont le précieux liquide sera dégusté plus tard dans quelque bacchanale de bon aloi en joyeuse compagnie. On est donc bouché à l’émeri avant tout quand on est une bouteille de vin. Ce qui n’est pas donné à tout le monde.
Hors Pétrus, Château Latour, Romanée-Conti ou Roederer on peut néanmoins s’avérer être bouché à l’émeri. Si chacun a connu au moins une bouteille de vin, chacun a aussi croisé un humain, tous deux bouchés à l’émeri.
L’abruti, par exemple, l’est. Humain et bouché à l’émeri.
Pétri de fatuité, enfermé dans ses certitudes, refusant toute contradiction, il est bouché à l’émeri comme le meilleur des grands crus et ne laissera rien des idées extérieures pénétrer son cerveau. Il craint tout autant l’oxygène apporté par l’idée que le moindre chasse-cousin craint l’oxygène tout court.
Contrairement au pinard que le tire-bouchon débouchera, le faquin bouché à l’émeri ne s’ouvrira pas. Lui, il sait. Il n’a que faire d’entendre un autre son de cloche puisque lui sait, cessez donc d’insister ! Bouché à l’émeri est d’ailleurs parfois pris pour un synonyme de sourd tant est insensible à la parole celui qui semble encollé par la poudre noire.
Tandis que la bêtise ne semble pas reculer (selon les indicateurs officieux), paradoxalement être bouché à l ‘émeri disparaît doucement, s’enfonçant en surannéité. Les uns crieront au complot, les autres se rabattront sur de plus modernes litotes comme mal-comprenant ou défavorablement connu des organes de compréhension. Ça fait moderne mais ça veut toujours dire bouché à l’émeri.