[ètre kròté kòm ên- arSidjakr] (loc. verb. LESSIV.)
Qui n’a jamais tenté l’expérience de mesure de l’influence de la gravité sur la boue suite à un saut pieds joints dans une flaque sur petit chemin de terre, ne peut avoir été l’objet du reproche qui suit.
Cette expérience scientifique qui figurait dans l’édition initiale du Principia mathematica philosophiae naturalis d’Isaac Newton, et que de sombres desseins firent retirer au profit de l’histoire de la pomme que nous connaissons aujourd’hui, donnait lieu systématiquement à l’admonestation matriarcale d’être crotté comme un archidiacre (que ce soit la maman du petit Isaac ou celle de n’importe quel enfant des années surannées, les mamans n’aimant pas les protocoles scientifiques à base de boue).
Sans quelque anti-cléricalisme primaire qui soit, la remarque évoquait un état passablement délabré du pantalon, un peu à l’image de celui de la soutane des archidiacres d’antan passant leurs journées sur les routes pour s’assurer que d’une paroisse à l’autre on croyait comme il faut.
Arpentant le diocèse en long, en large et en travers, les vicaires avaient vite la bure sale, aussi laissèrent-ils être crotté comme un archidiacre en héritage au langage toujours preneur d’images cocasses à partager.
Bien que l’enfant des années surannées (Isaac ou un autre) n’entendait pas en quoi le fait de posséder un pantalon maculé de boue le faisait évoluer du grade de chenapan (ou de premier communiant pour certains) à celui d’un notable de l’église séculière, il comprenait tout de même que derrière cet archidiacre crotté se cachait comme une comparaison bien peu avantageuse. Et il avait raison : être crotté comme un archidiacre c’est avoir mis ses habits dans un état qui va nécessiter l’utilisation des services d’une détergent de premier ordre, ce qui, paradoxalement, n’enchante guère la ménagère.
Crise des vocations cléricales aidant, être crotté comme un archidiacre déclinera doucement dans son acception fangeuse.
Nous signalerons à toutes fins d’exhaustivité un sens qui ne connu que de très maigres utilisations, et qui est celui synonyme de bien faire son boulot pour être crotté comme un archidiacre. En effet, les nomades de la foi mirent tant d’entrain et de conscience dans leur prosélyte mission qu’être crotté comme un archidiacre tenta un temps de décrire le travail d’orfèvre. On comprend facilement pourquoi ce sens disparut rapidement.
En 1992, une réclame souhaitant vanter la puissance de sa lessive face au craspec va définitivement ranger être crotté comme un archidiacre dans les rayons du suranné (et la langue française dans son ensemble par la même occasion).
— Oh lalala, loukati le souk ! Qui va s’kala va ? No bibi, hein !
— Camina, ma loviniou.
— Ma, so crado boulo !
— Daki Omo® Micro, et crapoutou masta fuite.
— Oh ! So touti mini-rikiki !
— Ma kif kif costo !
— Kif kif costo… ha ! Qué séra séra…
— Oooh ! So bodo cline ! Et so doudou locoto ! Bravo Omo® Micro! Oh ! Gro crado pipo !
Unilever venait de tuer être crotté comme un archidiacre. Pour vendre de la lessive.