[ɛtʁə də laɲi] (loc. géo. 77)
Même si la paisible commune de Lagny-sur-Marne n’est pas a priori le royaume des excités (peut-être y fait-on un petit plus de bruit qu’à l’habitude en juin lors de la Fête de la Marne), ses bonnes âmes résidentes trimbalèrent jusqu’à la fin des années surannées une réputation d’inactifs qui leur porta un certain préjudice.
L’on disait en effet d’un incertain ou mou du genou qu’il était de Lagny, autrement dit qu’il n’avait pas hâte d’aboutir en besogne.
Être de Lagny doit son existence à Jean 1er de Bourgogne dit Jean-sans-Peur, Duc de Bourgogne compromis avec l’Anglois pendant la guerre de Cent ans, ce qui laisse d’ores et déjà imaginer que l’expression est peu flatteuse. Pour cause, elle fut bâtie par une populace moqueuse qui se gaussait du gonze qui attendit pendant deux mois que le roi Charles VI (celui qui tapait bien dans les gamelles¹) l’autorise à avancer vers Paris (1415).
Ce qu’il ne fit pas, laissant mariner le ballot bourguignon qui devint donc Jean de Lagny à force d’y poireauter.
Être de Lagny pour désigner l’indécis et lent, peut-être patient mais sans génie dans l’action, était née. Jeannot, énervé, pilla la ville avant de s’en retourner, ce qui n’arrangea pas choses.
Infusant petit à petit la langue de toutes les provinces, être de Lagny pris une place sans pareil dans la description des aveulis, situant Lagny-sur-Marne comme l’épicentre de l’apathie planétaire. Au cours des siècles qui suivirent, Latignaciens et Latignaciennes souffrirent considérablement du regard posé sur eux à chaque fois qu’ils déclaraient être de Lagny.
En 1926, Emmanuel Adolphe William Seurin, dit William Saurin, transfère dans la bourgade son usine de cassoulet, petit salé et bœuf bourguignon en boîte de conserves jusqu’alors sise rue Saint-Lazare, à Paris. Il s’en suivra une période de grande confusion pour l’expression, fierté nouvelle d’être de Lagny patrie de William Saurin et histoire de France se disputant le droit d’exister.
De ce combat latignacien, nul ne sortit vainqueur. Être de Lagny disparut tranquillement en surannéité, bientôt rejointe par William Saurin et ses conserves, fusionné avec Panzani, Garbit et Petitjean en 1995 pour de sombres et impérieuses raisons de domination du marché de la boustifaille en boîte (mais ceci est une autre histoire).
Dès lors, le moderne put sans retenue aucune être de Lagny.