[ètre fè kòm ê menër durs] (loc. moq. PHYS.)
C‘est au Moyen-Âge moqueur qui ne respecte pas l’article de la convention moderne interdisant de se gausser d’un physique disgracieux que surgit l’expression être fait comme un meneur d’ours.
Elle est ainsi cette époque, ricaneuse pour un clopin-clopant, brocardeuse pour une bosse dorsale.
Accompagnant le pataud cheminement des villageois d’Ercé¹ sur les chemins de France, être fait comme un meneur d’ours va véritablement essaimer son persiflage au fur et à mesure des pérégrinations des Ariégeois qui, à partir du XVIIIe siècle, se rendent de place de village en place de village, exhibant fièrement l’ours de Pyrénées qui leur sert de gagne-pain.
Aussi spectaculaire que soit le plantigrade apprivoisé jonglant avec des balles au son d’un pénible tambourin, un ridicule chapeau pointu posé entre ses deux oreilles, c’est son montreur qui va attirer l’attention des badauds puisqu’il sera sujet central de cette comparaison bien peu amène qu’est être fait comme un meneur d’ours.
Il faut rire grassement quand on désigne untel comme étant fait comme un meneur d’ours
Certains affirment que nous devons être fait comme un meneur d’ours à un inélégant qui se serait fait remarquer plus que de coutume (sans apporter le moindre témoignage), d’autres supputent un gène gênant pour les professionnels du spectacle ursidé, sans étude là non plus. Un mystère aussi épais que la fourrure de l’animal protège l’expression, mais chacun a compris qu’il faut rire grassement quand on désigne untel comme étant fait comme un meneur d’ours.
Ce n’est pas la première locution à s’imposer sans raison apparente.
Le métier ne déclinant qu’au début du XXe (le nouveau cinématographe des frères Lumière intéresse alors plus les jeunes que l’animal poilu et son maître) on peut sans risque affirmer qu’être fait comme un meneur d’ours aura bel et bien régné sur le quolibet corporel pendant plusieurs centaines d’années.
La chose est même encore commune aux oreilles de celui qui s’est rêvé dans la carrière, accompagné qu’il fut – dans sa prime jeunesse – jusqu’au cinéma des draps blancs par Nounours, Nicolas, Pimprenelle et le Marchand de sable qui lui souhaitaient leur fameux « Bonne nuit les petits, faites de beaux rêves ! »².
Il est cependant le dernier à l’avoir entendue, devenant l’homme qui a vu l’ours pour le moderne qui n’a jamais croisé l’expression.
En devenant surannée, être fait comme un meneur d’ours a entraîné avec elle la pâle figure qui peut donc aller de guingois sans crainte des railleries.
Elle a aussi libéré de son piètre pilote qui l’obligeait à toutes ces pitreries, l’ours qui gambade désormais librement dans ses montagnes natales, mais ceci est une autre histoire.
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