[ètre fê kòm ɡribuj] (loc. verb. DESS.)
Il est possible qu’une expression au demeurant délicieusement surannée s’avère totalement fausse. C’est rare, certes, mais c’est bel et bien possible (je lis votre étonnement).
Être fin comme Gribouille qui se veut décrire une forme de stupidité est de cette catégorie. Dans sa totalité être fin comme Gribouille qui se jette à l’eau par crainte de la pluie, se fourvoie corps et âme en tentant de nous faire avaler que Gribouille n’a pas vraiment inventé l’eau chaude.
Car Gribouille est brillant. Gribouille a même un sacré coup de crayon pour s’exprimer (il est vrai que le langage n’est pas vraiment son fort). Sous sa fourrure jaune et ses grands yeux hallucinés se cache un grand talent : Gribouille dessine. Et tous les soirs, pendant l’Île aux Enfants, Gribouille vient tracer au feutre qui grince divinement ce que la voix haut perchée et péremptoire qui le vouvoie, semble considérer impossible pour lui. Elle croit sans doute elle aussi qu’être fin comme Gribouille signifie ne pas être très malin…
En cent vingt épisodes Gribouille démontrera que sa patte à cinq doigts¹ n’est en rien celle d’un simplet qui se jetterait à l’eau par crainte de la pluie comme veulent le faire penser les savants qui ne manquent jamais de savoir (mais sont nuls en dessin). Et avec ses deux minutes quotidiennes Gribouille fera éclore des milliers de vocations artistiques dans les rangs des enfants des années surannées.
Être fin comme Gribouille c’est en réalité se tamponner le coquillard de la voix qui dit ce qu’il faut faire et comment il faut le faire. Être fin comme Gribouille c’est se jeter à l’eau parce que ça va marcher, et puis si ça ne marche pas ça marchera la prochaine fois.
Le succès de Gribouille rendra suranné le sens sot d’être fin comme Gribouille (qui se jette à l’eau par crainte de la pluie). Nul ne s’en plaindra.
Gribouille deviendra à son tour désuet, disparaissant avec l’enfance de ceux qui vivaient dans l’Île qui leur était réservée, rejoignant La Linea et autres monstres gentils au pays joyeux, oui c’était bien le paradis.