[ètre mulé dâ û kòr de Sas] (loc. lumbalg. DO.)
Mal de dos, mal du siècle est un slogan né à la fin des années surannées, en remplacement d’une expression beaucoup plus poétique caractérisant le courbaturé par l’effort, le plié en deux par le labeur.
Considéré comme moins vendeur, être moulé dans un cor de chasse disait pourtant une image plus évocatrice que ce défaitiste soupir qui ne propose rien d’autre que subir (ou changer de siècle, ce qui est compliqué).
La langue surannée n’a pas eu besoin d’être mélomane pour s’emparer des deux mètres et vingt-sept centimètres de longueur de l’instrument dans sa version déployée, et de son tour et demi créant un cercle de quarante huit centimètres dans sa version en rond : il lui a suffit d’observer un cor modèle 1680 ou 1689.
Cependant les recherches ne confirment ni n’infirment qu’être moulé dans un cor de chasse soit apparue dès le XVIIᵉ siècle, ou plus tard au XVIIIᵉ avec le modèle de cor à deux tours et demi, voire au XIXᵉ quand le laiton fera trois tours et demi.
Quoi qu’il en soit du nombre de tours, être moulé dans un cor de chasse n’est pas l’hommage à un corps callipyge pour lequel il pourrait passer si on ne s’en référait qu’au pavillon évasé qui fit rêver plus d’une Vénus se cassant les reins pour se regarder les fesses (mais ceci est une autre histoire). Bien au contraire être moulé dans un cor de chasse souligne des courbes peu amènes, en l’occurence celles de celui qui souvent louche de l’épaule tant il a ployé sous la lourde charge d’une vie compliquée. Au minimum le moulé se déplace-t-il en crabe, tordu par son lumbago contracté après de suspectes galipettes (il racontera bien évidemment que c’est un swing au golf qui l’a laissé dans cet état).
Ainsi pendant des siècles va-t-on entendre du cor de chasse dans les salons bourgeois où on lui souffle dans le tuyau (l’instrument relevant de la musique de salon, la trompe de chasse sonnant quant à elle le bien-aller, le bat-l’eau ou l’hallali), mais aussi dans les salons de massage où les techniques les plus audacieuses¹ cherchent à le faire disparaître.
Ce n’est pas la plainte d’un voisin excédé qui fera cesser le son un peu lugubre de l’instrument et poussera ainsi être moulé dans un cor de chasse en surannéité. Bien au contraire, c’est un succès, celui de la ceinture du docteur Gibaud, qui l’y fera tomber avant de la rejoindre.
Dès 1935, grâce aux bandes élastiques de chez Pichon Frères (« Reins chauds avec la fameuse ceinture du DOCTEUR M. GIBAUD – souple, chaude, lavable ») c’en est fini ou presque du tour de rein qui rend moulé comme dans un cor de chasse.
Les lombaires s’en portent mieux, la langue un peu moins bien.