Être pressé comme un lavement [ètre présé kòm ê lavmâ]

Être pressé comme un lavement

Fig. A. Colon lavé de Louis XIII.

[ètre présé kòm ê lavmâ] (loc. verb. CACA.)

Il aura fallu attendre que le XVIIe siècle (toujours tout feu tout flamme en matière d’innovations amusantes) invente l’injection colonique d’un liquide par voie rectale avec une seringue à piston pour que naisse le clystère.

Ce traitement très à la mode en France à l’époque¹ prendra un peu plus tard le nom de lavement, et la grande rapidité de son efficacité laxative permettra de créer dans la foulée la très imagée expression être pressé comme un lavement.

Il se dit que Louis XIII était particulièrement propre de l’intérieur puisque le roi aurait fait l’objet de deux cent quinze lavements en seulement une année et que son cardinal de conseiller s’en faisait administrer à l’opium² !

Celui qui est pressé comme un lavement est véritablement dans l’urgence, en quelque matière que ce soit et pas uniquement en exercice du pouvoir. Et cette hâte semble tant vouée à la catastrophe (intestinale ou non) et à la création d’emmerdements que la langue n’a eu d’autre choix que celui de la caractériser ainsi.

Confondant vitesse et précipitation, l’empressé va au devant de graves ennuis (gastriques ou autres, par extension) et risque de ne pouvoir s’en remettre. Ça va chier pour l’excité qui est pressé comme un lavement pourrait-on résumer un peu crûment.

L’expression rencontre un succès d’autant plus grand que les temps surannés sont ceux où l’on sait prendre le temps, et où le haut débit ne concerne dans le meilleur des cas que le bagou d’un marchand d’orviétan vantant les mérites supposés de sa mixture (qui doit d’ailleurs pouvoir s’introduire par lavement, mais ceci est une autre histoire).

On apprécie en ces temps là le chanteur dandy un peu maudit, un peu vieilli, passé dans les caves de Londres, un peu noyé dans la fumée qui a su faire vieillir sa voix², et l’on trouve que le prépubère singeant ses augustes aînés dans des télécrochets moqueurs est pressé comme un lavement de se voir déjà en haut de l’affiche, en dix fois plus gros que n’importe qui, son nom étalé. Alors on se moque avec cette allégorie médicale, de tous ceux qui ne font qu’en se magnant le fion.

Le moderne, par définition pressé comme un lavement (puisque le temps c’est de l’argent) jettera un discrédit hygiénique sur l’expression qui deviendra ainsi surannée. Citius, Altius, Fortius est sa devise et peu importe le résultat tant qu’on y arrive vite.

¹Il était déjà en vogue chez les Égyptiens et les Romains.
²Authentique.
³Olympia 2002, Christophe, Les Paradis perdus.

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