[ètre remôté kòm û kuku] (loc. énerv. HORLOG.)
En 1738, dans le petit village de Schönwald im Schwarzwald (Forêt-Noire), Franz Anton Ketterer (1676-1749) s’ennuie. Dans la forêt lointaine il entend le coucou. Du haut de son grand chêne il répond au hibou : coucou, coucou, coucou hibou coucou, semble fredonner le Cuculus canorus.
Pour Franz c’est le déclic.
Dans la foulée il invente l’horloge murale à balancier apparent et son boîtier en forme de chalet, dite pendule à coucou¹ parce qu’il décide d’y cacher un oiseau mécanique qui surgira toutes les demi-heures, perché au bout d’une tige extensible en braillant son coucou énervant !
Coucou, coucou, coucou hibou coucou.
Quarante huit fois par jour : coucou ! Coucou ! Coucou !
En deux jours naît l’expression être remonté comme un coucou pour décrire l’état d’énervement proche du nervous breakdown suscité par ces sollicitations régulières. Coucou ! Coucou !
Maria, seconde épouse de Franz Ketterer, est la première à être remontée comme un coucou. Elle s’emporte, casse la vaisselle, puis s’en va chez sa mère avec leurs trois enfants, lassée par ce coucou qui coucoule toutes les trente minutes, de jour comme de nuit. Coucou ! Coucou !
Dans tout le landerneau du Land Bade-Wurtemberg on jase sur la Maria et la pendule, et être remonté comme un coucou prend son envol; en quelques mois elle est une expression courante…
D’autant plus que les habitants de la région vont petit à petit se spécialiser dans la fabrication de ces horloges, peintres et sculpteurs sur bois rivalisant de créativité pour élaborer des chalets légers comme une Chevauchée des Walkyries (Walkürenritt). Le XIXᵉ siècle est la période d’or pour être remonté comme un coucou.
L’excellence du voisin Suisse en horlogerie va rencontrer la locution et donner cette particularité régionale qu’est être remonté comme un coucou suisse qui n’a d’autre qualité que celle de souligner un degré d’énervement encore supérieur à celui du coucou apatride, la tempérance étant déjà connue en ces temps surannés comme une qualité helvétique.
L’arrivée dans la cuisine de la fameuse horloge orange en Formica® va envoyer être remonté comme un coucou en surannéité.
Se refusant à l’annonce tintamarresque et régulière de l’heure qu’il est, celle-ci impose son inaudible tic-tac face au coucou, coucou, qui a déjà causé plus d’exaspérations que quoi que ce soit en un peu plus deux siècles.
Le chalet miniature et son hôte criard rejoignent le grenier et être remonté comme un coucou y monte avec eux. Le calme règne sur la modernité.