
Fig. A. Mangeur de soupe au lait.
[ɛtʁ sup o lɛ] (COL. CUIS.)
Chacun le sait depuis la cantine de l’école Jean Macé : la soupe c’est dégueulasse. Mais ce n’est pas une raison pour monter illico sur ses grands chevaux !
Ah, les émotions prêtes à jaillir aussi vite qu’un amant trop précoce… Ah, la belle intransigeance de la jeunesse, la rebelle attitude du punk qui ne croit pas au futur, ah tous ces amateurs de soupe enrichie au lait frais !
Être soupe au lait c’est faire de son caractère une cocotte sur feu vif, sans couvercle et sans surveillance, et s’étonner ensuite du bouillon sur les murs. Dans le grand répertoire des humeurs humaines, la soupe au lait tient une place de choix : celle des tempéraments rapides à s’enflammer, à fulminer, à s’offusquer, à vitupérer… puis à retomber, piteusement, comme un soufflé attendant des convives en retard.
La bougonnerie y est aussi vive que brève, aussi spectaculaire que sans lendemain. Ça bout, ça mousse, ça explose parfois, et puis plus rien. Un vague souvenir. Une moue boudeuse. Un pardon marmonné dans la barbe. Le soupe au lait envoie la purée derechef et le regrette dans l’instant. C’est ainsi : il est comme le lait sur le feu.
Le soupe au lait envoie la purée derechef
L’expression, bien entendu, vient de la cuisine. Le lait, doucereux et candide, se transforme en courroux dès qu’on le chauffe. Il suffit de quelques secondes d’inattention pour que le liquide inoffensif mousse, déborde, et transforme la plaque de cuisson en champ de bataille laiteux. Il en va de même du soupe au lait qui fait une conversation paisible, s’emporte dans la seconde pour une contrariété infime, puis redescend du cocotier encore plus vite qu’il y était grimpé. Seule demeure l’odeur tenace du lait brûlé.
Être soupe au lait n’est pas être méchant, ni forcément injuste. C’est aimer fort, s’indigner vite, éparpiller façon puzzle et repartir à zéro. C’est être inflammable. Avoir plus de facettes que le premier ravi de la crèche venu en quelque sorte.
Marché des pilules qui calment oblige, on ne dit plus qu’un type est soupe au lait (ça se réglerait tout seul et ça ne serait pas rentable). On le diagnostique hypersensible (pilule rose), ou mal régulé émotionnellement (pilule verte), voire borderline si on vient d’installer son cabinet de calmothérapie par apposition des mains ou des pierres du Nord. C’est plus vendeur.
« Il a besoin d’une thérapie comportementale » ça fait tout de même nettement plus sérieux « qu’il est soupe au lait ».